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Boo Tarot (Célia Melesville)
Texte et illustrations : Célia Melesville
Éditeur : Wild Éditions
Avant-propos :
Afin de faciliter votre navigation dans cet article particulièrement long, en voici le plan. Il vous suffit de cliquer sur les liens suivants pour atteindre les différentes sections de cette critique, ce qui vous permettra par exemple de la lire en plusieurs fois si vous le souhaitez :
Émerveillement esthétique et artistique
… empreint de poésie, de douceur…
Un hommage constant à l’automne et à Halloween
Samhain/Halloween et traditions d’automne
Une période d’introspection et de réconfort
Aux collectionneurs et aux amateurs de beaux jeux
Aux cartomanciens débutants et expérimentés qui cherchent un bon jeu
Aux amateurs comme aux professionnels
Aux enfants aussi bien qu’aux adultes
Prêts à faire connaissance avec le Boo Tarot et les fantômes qui l’habitent ? Installez-vous confortablement, avec une boisson réconfortante et quelques douceurs, et plongez dans leur univers enchanté !
Bonne lecture !
Présentation
Le Boo Tarot se présente dans un boîtier rigide juste assez grand pour accueillir les cartes et le livret accompagnateur. Le boîtier est solide et protège bien les cartes, ce qui n’est pas toujours le cas des boîtes classiques. En outre, il est réalisé avec beaucoup de soin, tant dans sa qualité que dans le décor, qui reprend le dos des cartes. Sur la couverture apparaît le Magicien, qui donne envie de découvrir le jeu car il laisse déjà présager de la douceur que l’on s’apprête à y trouver.
À l’intérieur sur boîtier se trouvent bien sûr les cartes et le livret accompagnateur, mais pas seulement. En effet, trois cartes supplémentaires ont été ajoutées. Celles-ci récapitulent sous forme de mots-clefs les principales significations des lames, en français (au recto) et en anglais (au verso). Voilà qui est astucieux, notamment pour ceux qui n’ont pas envie d’abîmer le coffret en le transpostant avec eux (dans leur sac par exemple) et préfèrent glisser simplement leurs cartes dans une pochette !
Mon édition comportait une petite particularité supplémentaire puisqu’une erreur d’impression s’était glissée dans les cartes, remplaçant le Cavalier de Coupes par le Cavalier d’Épées. Rien de bien grave toutefois puisque Célia Melesville a réagi en joignant la bonne carte au colis, accompagnée d’un petit flyer expliquant qu’il s’agissait-là d’un tour que nous avait joué un petit fantôme espiègle. Ah, ces fantômes, toujours prêts à se faire remarquer !
Les cartes
Les cartes sont de bonne facture : l’impression de qualité est réalisée sur un carton résistant qui supporte les manipulations. À condition bien sûr, comme toujours, d’être délicat lors du mélange et de l’utilisation des cartes !
Émerveillement esthétique et artistique
Comment ne pas être charmé par l’univers enchanté dans lequel nous plonge le jeu dès la première prise en main ? Comme son nom l’indique, le Boo Tarot nous entraîne dans un monde peuplé de fantômes farceurs, espiègles et facétieux, dont l’humour attendrissant et la douceur nous accompagnent pour une belle balade au cœur de l’automne.
Chaque carte est habitée par une œuvre artistique raffinée, d’où émanent une grande sensibilité et une délicatesse qui ne peuvent qu’émerveiller les amateurs d’atmosphères féeriques. Avec le Boo Tarot, préparez-vous à ajouter une touche de magie à votre collection de jeux divinatoires !
En outre, les lames majeures ont eu droit à un traitement spécial puisque les fantômes qu’elles abritent sont ornés de paillettes holographiques, ce qui produit un jeu de lumières et de reflets qui contribue lui aussi à l’atmosphère particulière au jeu. Ce procédé a pour effet de rendre les fantômes encore plus magiques et de leur donner encore plus de consistance. Dans le Boo Tarot, tout a été minutieusement pensé pour traduire visuellement toute la magie que Célia Melesville voulait insuffler à ce jeu, et le pari est réussi !
Une réécriture ingénieuse
Le Boo Tarot est une réécriture à la fois ludique, amusante et très pertinente de la tradition Rider-Waite Smith. Il reprend donc la structure et la symbolique de la tradition Waite tout en les transposant dans l’univers particulier qu’il explore, ce qui offre un regard intéressant sur l’un comme sur l’autre.
Contrairement à d’autres jeux qui s’éloignent visuellement considérablement de la tradition Waite, ici les lames sont reconnaissables au premier coup d’œil. Voilà qui est commode pour qui connaît bien le Waite car cela facilite la prise en main du jeu, dans lequel on ne se sent pas en terre inconnue. Les principaux repères sont là, bien qu’adaptés au monde auquel on a affaire, et l’on a plaisir à découvrir la manière dont ils ont été transposés pour s’y intégrer.
Un aperçu des arcanes majeurs
Le Fou
Par exemple, le Fou est facilement identifiable puisqu’il présente un fantôme avançant au-dessus d’une gargouille, prêt à se lancer à l’aventure dans le vide, arborant un immense sourire sur le visage et tenant une rose dans la main gauche. De l’autre main, il tient un baluchon posé sur son épaule, au bout duquel est en train de venir se percher une chauve-souris. Alourdissant le fardeau que porte le fantôme, celle-ci est bien sûr un écho du chien qui, au pied du Fou du Rider-Waite Smith Tarot, fait tout pour attirer son attention et le ralentir dans sa progression… et l’avertir du vide vers lequel il semble se précipiter ! Ici, le fantôme ne risque pas de tomber dans le vide comme le ferait le Fou illustré par Pamela Colman Smith, mais tout comme lui se confronter au vide peut le mener à se confronter à des découvertes quelques peu brutales qui pourraient entrer en conflit avec sa vision actuelle du Monde. C’est aussi ce que rappelle la deuxième chauve-souris qui est accrochée à la gargouille et qui, la tête en bas, voit le Monde sous un autre angle et découvre des choses auxquelles le fantôme n’a pas encore accès.
Si la symbolique de cette carte est adaptée à l’univers exploré dans ce tarot par Célia Melesville, le décor présente lui aussi les particularités du monde des fantômes. Tout d’abord, la scène se déroule de nuit comme en atteste la présence d’animaux nocturnes (les chauve-souris) autour du fantôme et celle de la lune dans le ciel. Dans le Waite original, en revanche, la scène se passe de jour et un grand soleil brille et irradie tout autour du Fou. De même, le paysage montagneux et escarpé que l’on voit autour du Fou de Waite laisse place chez les petits fantômes au sommet d’une cathédrale dont la gargouille est la falaise.
Cette transposition est très intéressante et pensée avec beaucoup de finesse : on y retrouve tous les éléments symboliques et visuels du Fou d’origine, mais si habilement transportés dans l’univers de ces fantômes qu’il serait difficile d’imaginer meilleure réécriture ! Voilà qui dénote d’une très bonne connaissance des lames d’origine de la part de l’artiste, ce qui est indispensable à la création de tout tarot inspiré de la tradition Waite !
Enfin, on remarque que l’orientation de la carte est ici différente de celle que l’on trouve dans le Waite original. Dans le jeu illustré par Pamela Colman Smith, le Fou est tourné vers la gauche tandis qu’ici, il est tourné vers la droite. Cela peut paraître anodin, mais ce détail est en réalité important et très subtil : si dans le Waite d’origine le Fou évolue d’est en ouest, suivant ainsi la course du soleil et, par analogie métaphorique, celle de sa propre vie, le fantôme est quant à lui déjà mort et ne peut donc poursuivre sa vie, du moins pas sur le même plan qu’un vivant, d’où sa progression en sens inverse sur la carte. Il n’a plus sa vie terrestre et incarnée devant lui, certes, mais il a toute l’éternité pour explorer la nouvelle vie qui s’offre à lui et en comprendre les codes et les leçons !
Le Magicien
Le Magicien que l’on rencontre sur cette lame est, de prime abord, bien différent de celui du Waite d’origine, lequel présente un homme en plein rituel de magie cérémonielle, debout devant son autel où sont disposés les quatre symboles des royaumes des mineures qui figurent aussi les quatre éléments. Par ailleurs, le Magicien du Waite relie le plan sacré et le plan profane en désignant la terre de l’index gauche et le ciel de la main droite.
Le fantôme auquel on a affaire ici, en revanche, prend une forme totalement différente. On se trouve dans ce qui semble être une pièce appartenant à une bâtisse ancienne dont les murs laissent apparaître des pierres colorées. Le fantôme magicien vient d’ailleurs de traverser ce mur et travaille déjà à concocter une potion dans un grand chaudron posé sur le sol. Il a d’ailleurs à portée de main tout l’équipement nécessaire, des ingrédients contenus dans des fioles aux livres dans lesquels il trouve la marche à suivre. On remarque à ce propos qu’il tient un livre ouvert dans la main gauche et une fiole dans la main droite, au-dessus du chaudron bouillonnant. Les autres éléments (deux autres fioles et une pile de livres) sont posés sur le sol près de lui. Cette scène digne d’un conte de fées se déroule sous l’œil attentif de trois araignées (à six pattes au lieu de huit, ce qui les rend plus sympathiques !), qui témoignent de l’ancienneté du lieu et du secret dans lequel travaille le Magicien.
A priori, cette représentation du Magicien n’a rien à voir avec celle, très solennelle et empreinte de magie cérémonielle, du Waite original. Pourtant, ces deux Magiciens sont bien plus proches qu’on ne le croit si l’on prend la peine de les observer. Dans son rituel, le Magicien du Waite doit utiliser les différents symboles qu’il a placés sur son autel de manière équilibrée afin de modifier son environnement conformément à l’ordre naturel des choses pour obtenir le résultat escompté. Voilà qui requiert un certain savoir-faire, une grande dextérité et la connaissance des mécanismes qui régissent le Monde matériel et concret.
Le Magicien du Boo Tarot, quant à lui, peut sembler plus enfantin, mais il s’agit plutôt ici de rendre cet archétype plus concret et plus abordable même pour qui ne connaît pas la symbolique profonde de celui du Waite, qui peut sembler plus hermétique. En effet, le fantôme occupé à concocter une potion est lui aussi en train de réaliser un acte magique qui tient du rituel : il doit suivre la recette à la lettre et appliquer ainsi un savoir-faire ancestral pour obtenir un effet concret et modifier ainsi son environnement. Pour cela, chaque geste est important, les ingrédients doivent être ajoutés dans un certain ordre, en quantités précises et d’une manière bien déterminée. On remarque par ailleurs qu’à l’image du Magicien du Waite, le fantôme relie lui aussi les plans sacré et profane à travers les objets qu’il utilise : le livre qu’il tient dans sa main gauche représente la connaissance humaine du plan profane (i.e. du monde matériel et terrestre) qui a été consignée par ses prédécesseurs tandis que la fiole qu’il manipule de la main droite contient un ingrédient brut qui va permettre d’activer la magie par sa seule essence. Cette énergie brute incarne le plan sacré, et le Magicien doit la combiner à celle du plan profane pour agir sur son environnement.
À ce titre, on retrouve bien dans la réécriture que fait Célia Melesville de cet archétype l’essence qui était déjà la sienne dans le Waite d’origine. Symboliquement et visuellement, l’artiste a fort bien adapté le Magicien quelque peu austère au monde enchanté des fantômes qu’elle nous invite à visiter. Bien que les deux jeux présentent une vision en apparence différente d’une même figure, les principales idées véhiculées par chacune des lames restent en réalité très similaires.
Enfin, on remarque que ce fantôme ressemble à s’y méprendre à une figure littéraire (puis cinématographique) bien connue qui appartient désormais à la culture populaire ! Ce fantôme magicien entouré de livres et de potions qui porte un chapeau noir pointu et des lunettes rondes ressemble à s’y méprendre à Harry Potter ! Impossible de voir s’il a une cicatrice en forme d’éclair sur le front puisque celui-ci est dissimulé sous son chapeau, mais cette ressemblance reste saisissante et ajoute un clin d’œil intéressant au monde des magiciens, qui ravira petits et grands !
Un trait d’humour s’est même glissé dans cette illustration tout en finesse puisque certaines fioles semblent avoir une humeur qui leur est propre. C’est le cas de celle qui est posée à droite contre la pile de livres, qui paraît faire la moue. Nul doute que ce fantôme magicien a tout intérêt à manipuler les ingrédients de sa potion avec la plus grande des précautions !
La Grande Prêtresse
La Grande Prêtresse compte parmi les lames les plus denses dans le tarot, tant sur le plan initiatique que symbolique. La manière dont Célia Melesville se la réapproprie pour la transposer dans le monde des fantômes qui habitent son jeu est à la fois délicate, subtile et fort bien pensée, si bien que l’on y retrouve là encore les éléments d’origine, mais sous une autre forme et ceux-ci se fondent parfaitement dans l’univers des fantômes.
Dans le Waite d’origine, la Grande Prêtresse est assise sur un inconfortable siège de pierre, entre les deux piliers qui marquent l’entrée du Temple, l’un noir (Boaz, le pilier de la miséricorde) et l’autre blanc (Jakin, le pilier de la sévérité). Ces piliers incarnent la dualité : Boaz, le pilier noir, est celui du féminin, de la nuit, de l’ombre, du mystère, de la passivité, de l’inconscient, de l’intuition et de la miséricorde, tandis que Jakin, le pilier blanc, représente celui du masculin, du jour, de la lumière, de l’action, de la conscience, de la logique, de la sévérité et de la rigueur. Assise exactement entre ces piliers, la Grande Prêtresse se trouve à mi-chemin des notions qu’ils véhiculent et représente par conséquent la mesure entre les extrêmes. Entre les deux piliers derrière la Grande Prêtresse est tendu un voile orné de grenades et de palmiers, autres symboles du féminin et du masculin. Nul ne peut voir ce qui se trouve derrière le voile car le Temple que garde la Grande Prêtresse est celui de la Connaissance brute et absolue du Monde dans ses fonctionnements sacrés et nul humain ne peut y accéder.
Sur ses genoux, la Grande Prêtresse tient la Torah, représentée sous forme de rouleau de parchemin et partiellement cachée par son manteau. Sur son plastron est accrochée une croix aux branches d’égale longueur tandis que sur sa tête est posée la coiffe d’Isis. À ses pieds se trouve un croissant de lune qui évoque l’intuition et l’intériorité.
La Grande Prêtresse du Boo Tarot est quant à elle confortablement installée dans un fauteuil dont le dossier s’élève jusqu’à cacher une bonne partie de la fenêtre ronde devant laquelle il se trouve. De chaque côté du fauteuil se trouve une pile de livres surmontée d’une bougie. On remarque que la bougie de gauche est éteinte tandis que celle de droite est allumée, ce qui provoque un contraste de lumière entre les deux moitiés de la pièce. De la même manière, on note que la pile de livres située à gauche est légèrement plus haute que celle de droite, ce qui place les principales préoccupations de la Grande Prêtresse plutôt du côté de l’ombre, de l’inconscient et du mystère que de celui de la lumière et de la conscience. Ces deux piles de livres figurent bien sûr les piliers que garde la Grande Prêtresse de Waite : celle de gauche, plongée dans l’obscurité, est l’équivalent de Boaz (le pilier noir) et celle de droite, baignée de lumière, est Jakin (le pilier blanc).
Si aucun voile n’est tendu entre les deux piles de livres, cet élément n’est pas pour autant absent de cette lame. En effet, le dossier du fauteuil est orné de grenades, tout comme le Voile de la Connaissance que l’on trouve chez Waite. Célia Melesville va même plus loin en n’oubliant pas d’intégrer à son illustration une représentation des palmiers qui, complémentaires aux grenades, symbolisent le masculin : si l’on regarde bien, on se rend compte que les ornements en fer forgé qui se croisent sur la fenêtre rappellent fortement les palmiers de Pamela Colman Smith par leur forme. Voilà une manière discrète et subtile de représenter le Voile sans le faire directement figurer sur la lame !
Contrairement à la Grande Prêtresse de Waite, celle du Boo Tarot ne tient pas la Torah entre ses mains. Plus exactement : le livre qu’elle est en train de lire n’est pas identifié. Rien ne permet donc de dire duquel il s’agit. Il pourrait bien sûr être la Torah comme il pourrait être tout autre volume renfermant la Connaissance. C’est un point qui est laissé à l’interprétation (et à l’imagination) de l’interprète.
Ce que l’on trouve au pied du fauteuil est également très intéressant. Là où le drapé de la robe et du manteau de la Grande Prêtresse de Waite semblait, par sa grande fluidité, se transformer peu à peu en eau et passer partiellement par-dessus le croissant de lune posé à terre, le Boo Tarot montre des fioles renfermant des substances mystérieuses et colorées semblables à celles déjà présentes autour du Magicien. L’une d’elles contient un liquide bleu qui pourrait être de l’eau. Sur (ou dans ?) cette même fiole apparaît un croissant de lune qui fait écho à celui du Waite.
Ce croissant de lune n’est d’ailleurs pas le seul que l’on observe sur cette lame. En effet, si on lève les yeux, on constate que bien que l’on ne voie pas grand-chose par la fenêtre en raison du fauteuil dont le dossier la cache en grande partie, on y découvre néanmoins un ciel nocturne étoilé dans lequel flotte un croissant de lune. Celui-ci se trouve côté lumière en ce qui concerne l’éclairage de la pièce, rappelant ainsi la complémentarité des opposés. Un autre croissant de lune, moins évident cette fois, peut également être identifié dans la forme visible de la fenêtre en partie cachée par le fauteuil. Cette lune, à la fois pleine (la fenêtre est ronde) et croissant (ce qui apparaît une fois le fauteuil placé devant), située au-dessus du fantôme, évoque de manière subtile la coiffe d’Isis de la Grande Prêtresse du Waite.
Comme on vient de le voir, cette Grande Prêtresse est particulièrement réussie et ce n’était pas chose aisée compte tenu de la complexité de la lame originelle. Pourtant, cette réécriture illustre bien les principaux aspects de cet archétype, de la dualité à la complémentarité en passant par l’étude et la passivité (du corps, mais pas de l’esprit), mais sans explorer frontalement les notions peu aisées d’accès issues de la kabbale et de diverses traditions ésotériques et spirituelles. Ces notions sont présentées ici plus simplement, ce qui permet à chacun, quel que soit son degré de connaissance, d’aborder, de comprendre et d’intégrer ces principes. De plus, l’ensemble est réalisé avec beaucoup de goût, de délicatesse et de douceur, ce qui apporte encore plus de sérénité à ce personnage et à cette lame.
Un aperçu des arcanes mineurs
De la même manière qu’on vient de la voir à travers quelques arcanes majeurs, les mineurs bénéficient eux aussi d’une réécriture tout en finesse qui laisse transparaître une très bonne connaissance du Waite d’origine. Comme pour les lames majeures, je me limiterai ici à quelques exemples seulement, mais il est bien sûr possible d’effectuer le même type d’analyse sur chacune des soixante-dix-huit lames qui composent ce jeu !
Le Deux de Coupes et le Quatre de Coupes
Le Deux de Coupes présente deux fantômes qui se baignent face à face dans un chaudron de potion d’amour bouillonnant. Ils se regardent en se souriant et lèvent leurs coupes (les deux coupes de la lame) pour célébrer leur amour et leur union. Du chaudron s’élève de la fumée dans laquelle on distingue des bulles bleues et roses ainsi que des cœurs rouges qui symbolisent la magie de leur amour. Au pied du chaudron sont posées deux pommes qui font certainement écho à des pommes d’amour, tandis que dans le ciel une chauve-souris plane au-dessus de la scène. Cette dernière rappelle de manière très intéressante le lion ailé qui se trouve au-dessus du couple qui célèbre son mariage dans le Waite d’origine, car elle fait pleinement partie de l’univers des fantômes. En outre, on remarque que si chez Waite le couple homme-femme est clairement identifié comme tel, dans le Boo Tarot les fantômes n’affichent pas de distinction de genre. Cette neutralité offre la possibilité aux couples homosexuels de se voir eux aussi représentés par cette lame sans avoir recours à un effort d’imagination, contrairement à l’expérience qu’ils peuvent avoir avec la plupart des jeux. Voilà qui est très délicat de la part de l’artiste d’une part, et qui contribue à moderniser le tarot d’autre part !
Le fantôme dépeint sur le Quatre de Coupes semble quant à lui perplexe : à l’image du jeune homme assis au pied d’un arbre que l’on voit chez Waite, il se tient courbé, les bras croisés, et son visage arbore une moue qui ne présage d’aucun enthousiasme. Autour de lui se trouve un buffet sur lequel sont posés des livres. Au-dessus de celui-ci est accrochée une étagère sur laquelle on peut voir plusieurs pots (dont une marmite) contenant des plantes ainsi que deux potions. En son milieu se trouve une chandelle allumée. Une araignée tisse sa toile de manière à relier l’étagère et les livres mais le fantôme n’y prête pas attention. Croisant les bras, il est dans le refus, rejetant ce qui lui est présenté. En effet, devant lui sont disposés sur le sol trois flacons contenant différentes potions, et une quatrième fiole, elle aussi numérotée, est posée sur les livres derrière lui. Le fantôme refuse ces potions qui sont certainement apparues les unes après les autres, après chacun de ses refus, de la même manière que le jeune homme du Waite rejette catégoriquement les unes après les autres les coupes que la main issue du nuage lui propose. Là encore, la transposition est habile et intègre parfaitement la symbolique de la lame originale à l’univers des fantômes du Boo Tarot !
Le Six d’Épées
Le Six d’Épées est une réécriture très fine et émouvante de la lame d’origine chez Waite. L’illustration de Pamela Colman Smith montre une barque qui compte à son bord deux silhouettes assises (un enfant et très probablement sa mère), un homme debout derrière elles (le passeur, avec sa pagaie dans les mains), et les six épées de la lames plantées à la verticale dans la coque. L’embarcation se dirige vers un nouveau rivage que l’on aperçoit au loin, laissant derrière elle le passé et les tourments. Le Six d’Épées du Boo Tarot dépeint une scène similaire, mais revisitée avec les codes propres au monde des fantômes : la barque devient un fond de cercueil aménagé, les six épées ne sont plus plantées dans la coque mais gravées à l’arrière, et l’horizon vers lequel vogue l’embarcation n’est plus un paysage arboré mais un cimetière dont on aperçoit les tombes au loin.
Les deux silhouettes assises sont bien celles d’un fantôme adulte et d’un fantôme enfant (qui d’ailleurs a pris soin d’emmener avec lui son araignée de compagnie) tandis que le passeur humain a cédé sa place à un squelette qui tient une pagaie faite d’os. Il est intéressant de remarquer ici que bien que le fantôme adulte n’ait pas besoin de se dissimuler sous une cape comme le fait le passager adulte chez Waite (il est déjà couvert d’un drap !), l’ambiguïté sur son sexe est conservée puisque rien ne permet de dire avec certitude s’il s’agit d’un fantôme masculin ou féminin. La seule chose dont on est sûrs, c’est que les deux fantômes partagent un lien affectif puisque le fantôme adulte passe son bras autour de son jeune compagnon de voyage. Voilà qui apporte une émotion toute particulière à cette scène et qui favorise l’empathie envers ces deux personnages !
Par ailleurs, si le passé tourmenté et les souvenirs douloureux sont représentés chez Waite par l’agitation de l’eau à droite de l’embarcation, Célia Melesville a choisi d’exprimer ces notions d’une autre manière, donnant ainsi à son illustration un caractère envoûtant et particulièrement sensible. Ici, point de vagues ou de vaguelettes, mais des formes fantomatiques qui se meuvent dans l’eau autour de la barque et qui se dirigent vers le rivage d’où sont partis les deux fantômes, c’est-à-dire vers le passé. Ces ombres symbolisent ce que les passagers laissent derrière eux en partant et contribuent à mettre en lumière également la peine que leur occasionne ce départ qui se fait à contrecœur. Voilà qui fait de cette lame une réécriture poétique et délicate !
Le Dix d’Épées
Le Dix d’Épées s’inscrit dans le même esprit en cela qu’il ajoute une dimension poétique pleine de délicatesse et de sensibilité à la vision qu’il présente de la lame d’origine. Chez Waite, la scène à laquelle on assiste montre une silhouette étendue sur le sol face contre terre. Le dos de l’homme est transpercé par les dix épées de la lame et un filet de sang coule près de sa tête. Au loin, au-delà d’une étendue d’eau, on distingue un rivage. Si le ciel est noir pour appuyer le désespoir exprimé par la lame, on remarque néanmoins que le jour se lève, ce qui nous rappelle que même au plus profond de la nuit la plus sombre persiste toujours une lueur d’espoir à travers l’attente du jour qui finira immanquablement par arriver.
Dans le Boo Tarot, ces multiples éléments sont repris, mais sous une forme différente qui, si elle adoucit le message en apparence, le restitue fidèlement au niveau des idées qui sont véhiculées. Ici, point de cadavre aux dix épées plantées dans le dos, mais un crâne qui nous fait face. Les dix épées de la lame sont plantées autour de lui et l’une d’entre elles le transperce (ce qui explique les causes du décès). Le sol sur lequel il est posé est fertile et plein de vie puisque des herbes y poussent, ce qui confirme l’idée selon laquelle la mort n’est pas récente (c’est ce qu’indiquait déjà le crâne) d’une part, et d’autre part celle selon laquelle la vie continue et finit toujours par reprendre le dessus. Il s’agit d’un principe spirituel, philosophique et artistique appelé Memento mori (i.e. « Souviens-toi que tu te meurs »), qui évoque la vanité de la vie terrestre, également exprimée en peinture à travers les vanités, qui sont des tableaux représentant un crâne humain entouré de fruits, de végétaux ou d’autres éléments qui, par contraste, figurent la vie qui continue après le décès de l’humain. Tout comme cette lame dans son ensemble, le Memento mori et les vanités incarnent l’impermanence de la vie terrestre et, par extension, des choses. Il était par conséquent parfaitement indiqué d’y faire référence ici !
Au-dessus du crâne flotte un fantôme qui lui aussi nous fait face. Il arbore une expression sereine et apaisée et semble en plein recueillement. On comprend que durant une période, ce fantôme a habité ce crâne, au temps lointain de sa vie humaine et terrestre. Cet aspect suggérant la continuité de la vie apporte beaucoup de douceur à cette carte qui fait habituellement partie de celles qui effraient les consultants. Ceci permet notamment de la dédramatiser et de mieux l’apprivoiser en dehors de son aspect inquiétant !
Enfin, l’arrière-plan est lui aussi fort bien pensé car il déploie des couleurs douces et apaisantes dans le ciel que la nuit et l’aube illuminent simultanément au-dessus du cimetière qui se trouve sur l’autre rive. On distingue ainsi parfaitement la lumière du jour qui revient après une nuit sombre et profonde. Par ailleurs, deux chauves-souris volent dans le ciel au-dessus de l’étendue d’eau, faisant ainsi le lien entre le monde terrestre des fantômes (le cimetière, qui est leur dernière demeure) et le monde spirituel (le crâne et son fantôme).
À travers cette habile illustration, l’artiste met davantage en relief la dimension spirituelle et intérieure du Dix d’Épées en la faisant passer au premier plan et en l’explicitant, là où le Waite d’origine présente une vision plus concrète et plus violente. Cette lame est ici plus accessible et moins impressionnante sans pour autant s’en trouver dénaturée.
Les Cavaliers
Si l’on regarde du côté de la Cour Royale, on observe là aussi une réécriture tout en subtilité et en habileté. Par exemple, les Cavaliers sont aisément identifiables et reprennent les caractéristiques de ceux du Waite original bien qu’ils les expriment différemment.
Tout d’abord, l’essence des suites (ou royaumes) auxquelles ils appartiennent est bien présente à chaque fois. Le Cavalier de Bâtons porte un os dans la main droite (l’équivalent des Bâtons dans le monde habité par ces fantômes) et évolue dans un paysage désertique puisqu’on y aperçoit des dunes et un sol couvert de sable là où s’élève la pierre tombale de la dernière demeure du fantôme. Sur celle-ci est gravée une salamandre, symbole de l’élément Feu qui gouverne le royaume des Bâtons. Cet élément imprègne la lame à tous les niveaux, tant dans le décor désertique qui appelle une chaleur intense, dans les boules d’énergie qui flottent autour du fantôme ou dans le panache en forme de flamme et couleur feu qui orne son heaume.
Le Cavalier de Coupes tient dans la main gauche la Coupe qui symbolise le royaume auquel il appartient. De celle-ci s’élèvent des cœurs bleus et des boules d’énergie roses figurant les sentiments affectifs qui régissent cette suite. L’eau suggérée par les cœurs bleus est très présente sur cette carte car elle est l’élément auquel est rattaché ce royaume. On la retrouve dans le chaudron que transporte le fantôme sur son balai ainsi que dans la mare au bord de laquelle est plantée la pierre tombale du Cavalier et dans la végétation aquatique (roseaux) qui l’entoure. Le heaume du fantôme est, comme celui de son homologue chez Waite, orné des ailes d’Hermès, ce qui en fait là aussi un messager.
Tenant fermement son arme dans la main droite, le Cavalier d’Épées est en plein assaut. À l’image de la rapidité à laquelle il se déplace, le paysage dans lequel il se trouve est agité et marqué par le vent qui souffle fort, poussant et déformant ainsi les nuages qui assombrissent le ciel et courbant sur son passage la végétation qui pousse autour de la tombe du Cavalier. Ces éléments sont habilement adaptés du Waite original et associent bien cette lame à l’Air, qui régit ce royaume. D’ailleurs, les chauves-souris qui volent dans le ciel et remplacent les oiseaux appuient cette identité, de même que la plume attachée au heaume du fantôme. On remarque également que le Cavalier évolue face au vent, ce qui renforce l’idée de courage et la force de caractère qui l’anime.
Quant à lui, le Cavalier de Pentacles est bien ancré dans l’élément Terre qui gouverne le royaume dont il est issu. Contemplant le Pentacle qui incarne sa suite, il est entouré d’une nature particulièrement riche, fertile et luxuriante dont les herbes et les fleurs s’élèvent si haut et sont si denses qu’elles ne laissent paraître que la partie supérieure de sa pierre tombale. Les boules d’énergie qui flottent dans l’air évoquent elles aussi la nature et la Terre par leur couleur verte, et le panache de son heaume est une touffe de feuillage vert.
Aussi curieux que cela puisse paraître, ces Cavaliers n’ont pas de chevaux ! Les montures à quatre pieds des Cavaliers originaux ont été remplacées ici par des balais, ce qui est très ingénieux de la part de Célia Melesville car dans un univers magique tel que celui dans lequel évoluent ces fantômes, qu’enfourche-t-on si ce n’est… un balai !
L’ingéniosité de l’artiste va cependant beaucoup plus loin que subtiliser simplement les chevaux pour les remplacer par des balais. En effet, elle a réussi a rendre presque vivants ces bouts de bois terminés se paille de manière à ce qu’ils incarnent tout de même les attitudes des équidés ainsi que les dynamiques de leurs allures. Chez Waite, le cheval du Cavalier de Bâtons est cabré, prêt à s’élancer vivement et à aller ainsi de l’avant avec détermination. Dans le Boo Tarot, le balai de ce Cavalier est lui aussi orienté à la manière d’un cheval cabré, et la position bien droite du fantôme traduit celle du Cavalier qui anticipe la mise en mouvement de son cheval.
Côté énergie rapide, le Cavalier d’Épées de Waite est lancé au grand galop, s’engageant avec conviction dans un combat qui s’annonce ardu. C’est également le cas du Cavalier du Boo Tarot, dont le balai lui aussi fend l’air, comme on le voit à travers la position horizontale à la fois du balai et du Cavalier.
Les énergies lentes sont elles aussi bien illustrées ici. Le Cavalier de Coupes de Waite avance au pas, ce qui lui permet de contempler la Coupe qu’il porte dans la main gauche. Dans le Boo Tarot, la lenteur avec laquelle se déplace le Cavalier est figurée par la tranquillité avec laquelle le fantôme se tient sur son balai d’une part (il ne tient pas son balai fermement), et d’autre part à travers le mouvement de balancier effectué par le chaudron qui est accroché au balai.
Quant au Cavalier de Pentacles, à l’arrêt (mais aux aguets) chez Waite, il est également immobile dans le Boo Tarot. Sur cette carte, rien ne permet de déduire que le balai avance, et le fantôme qui le monte n’a pas besoin lui non plus de s’y accrocher pour rester en place. Il peut ainsi contempler le Pentacle qu’il tient dans la main droite tout en restant attentif à ce qui se profile à l’horizon !
Comme on peut le voir à travers ces quelques éléments, les choix de représentation et de réécriture qui ont guidé Célia Melesville pour les Cavaliers sont particulièrement habiles et ingénieux car les lames de la Cour Royale comptent parmi les moins faciles à aborder pour qui apprend le tarot. Ici, elle a réussi à expliciter ce qui les caractérise et à leur donner une dimension qui nous les rend familiers et plus concrets. Il ne fait nul doute que les cartomanciens débutants comme expérimentés apprécieront !
Les quelques exemples qui viennent d’être présentés montrent une excellente réécriture de la tradition Waite, profondément ancrée à la fois dans une bonne connaissance du matériau original et dans une volonté de transposer cette symbolique qui parfois peut paraître austère dans un univers merveilleux dont les codes sont maîtrisés instinctivement par le plus grand nombre. Ceci est réalisé avec beaucoup de soin et de minutie… et avec une immense affection pour les fantômes auxquels Célia Melesville donne vie !
Ces qualités se constatent bien sûr sur chacune des soixante-dix-huit lames du jeu et le travail d’analyse qui vient d’être fait sur quelques exemples peut tout à fait être étendu à l’ensemble du jeu. Inutile de dire qu’il m’a été très difficile de ne m’en tenir qu’à quelques lames et que les choisir n’a pas été chose facile tant elles méritent toutes une attention poussée !
Un univers unique…
En examinant de quelle manière la symbolique du Rider-Waite Smith Tarot original est réécrite dans ce jeu, on a effleuré la construction de l’univers particulier dans lequel évoluent les fantômes qui peuplent le Boo Tarot. Celui-ci, poétique à souhait, met en avant toute la créativité de l’artiste, qui arrive à installer un climat d’une grande douceur, plein d’humour, sans pour autant négliger les aspects inquiétants et effrayants inhérents à la vie… et donc au tarot !
… empreint de poésie, de douceur…
Comme on peut l’entrevoir dans les cartes présentées ci-dessus, l’identité visuelle et artistique du Boo Tarot se définit à travers une poésie omniprésente dans la représentation des archétypes des lames majeures et des saynètes des lames mineures. Voilà qui confère aux aquarelles de Célia Melesville une grande douceur, tant dans le trait que dans l’atmosphère dans laquelle évoluent les fantômes qu’elle nous présente.
Une vision poétique du monde
Sur chacune des soixante-dix-huit lames du jeu, l’artiste déploie une vision poétique du monde qui apporte beaucoup de douceur à l’ensemble, ce qui donne vie à l’univers des fantômes de manière naturelle, comme si elle se contentait de peindre ce qu’elle a sous les yeux. Chaque détail est minutieusement étudié de manière à donner une consistance et une réalité à ce monde dans lequel on retrouve nos repères habituels mais transposés dans le monde des fantômes, où tout fait parfaitement sens et semble couler de source. Par exemple, les oiseaux que l’on trouve chez Waite deviennent des chauves-souris, de nombreuses scènes se déroulent de nuit et la lune y tient une place toute particulière, les cimetières deviennent des lieux où il est courant de se promener (pour y rencontrer les fantômes, bien sûr !), les vieilles bâtisses chargées d’histoire et de souvenirs, et la magie est omniprésente, qu’il s’agisse de celle de la nature ou de celle pratiquée par les fantômes.
Le monde que l’on visite grâce au Boo Tarot est indéniablement celui habité par ces sympathiques fantômes, comme si l’on passait de l’autre côté du miroir pour explorer l’Autre Monde et redécouvrir notre monde à travers lui tout en adoptant leur point de vue cette fois. Ici, tout est pensé et présenté à travers leurs yeux, chaque chose leur est adaptée, ce qui nous entraîne dans une dimension enchantée, suscitant ainsi un émerveillement constant.
Il en résulte une grande douceur générale qui installe une atmosphère presque toujours apaisée, y compris sur certaines lames pourtant considérées comme effrayantes par la plupart des utilisateurs de tarots. D’autres lames, en revanche, bénéficient de cette douceur pour voir ressortir certains de leurs aspects souvent considérés comme secondaires dans le Waite d’origine. Cette mise en lumière est intéressante car elle aide à entrevoir tout l’éventail de significations des lames, dont certaines souvent oubliées ou mises de côté.
L’Ermite
Par exemple, l’Ermite du Boo Tarot choisit de mettre en relief la solitude, la méditation, la réflexion, la quête de connaissances, l’enseignement et l’apprentissage, mais d’occulter la notion de méfiance, de dissimulation et de traîtrise que l’on retrouve au premier plan chez Waite en raison de la houppelande de l’Ermite qui ne laisse rien paraître de sa réelle identité : est-il un mendiant, un seigneur, un soldat, un marchand ? Peut-on lui faire confiance ? Nul ne le sait car rien ne permet de le dire !
L’Ermite du Boo Tarot, en revanche, n’est pas très différent des autres fantômes car il ne s’en distingue pas par sa tenue vestimentaire. Cependant, là où l’Ermite de Waite apparaît comme une figure quelque peu austère dans un environnement dépouillé et minimaliste (seuls des pics montagneux sont visibles), le fantôme baigne dans la douceur et dans la tranquillité. Les montagnes apparaissent au loin et le fantôme est appuyé contre son énorme lanterne dans laquelle se trouvent des flammes anthropomorphes. Cette lanterne éclaire d’une douce lumière, comme le font les quatre flammes qui se trouvent en dehors de la lanterne. L’une d’elles, flottant devant ses yeux, semble d’ailleurs fasciner le fantôme qui la contemple et s’y plonge. Voilà qui nourrit ses pensées, son esprit et sa vie intérieure. L’intériorité, la pensée et la réflexion sont mises à l’honneur ici puisque la lune brille dans le ciel nocturne. On remarque d’ailleurs que ces activités de l’esprit ne se limitent pas à une dimension abstraite. Au contraire, lorsqu’elles seront mises en œuvre, elles se traduiront par des résultats concrets et bénéfiques sur l’environnement du fantôme, comme le suggère la nature fertile à la végétation abondante dans laquelle il se trouve. L’esprit du fantôme est nourri et se met en action, et sa fertilité se reflète sur ce qui l’entoure.
Le Pendu
Le Pendu compte parmi les lames majeures les moins appréciées des consultants et des élèves. Pourtant, apprendre à le connaître, c’est apprendre à l’apprécier. Voilà qui tombe bien car c’est justement ce à quoi invite celui du Boo Tarot à travers la douceur qu’il dégage. Chez Waite, il n’y a aucun décor autour du Pendu. Seuls lui et la potence à laquelle il est attaché se trouvent sur la carte.
Le Boo Tarot lui offre un environnement onirique et apaisé, qui fait ressortir les aspects constructifs et bénéfiques de la pause à laquelle est forcé le personnage suspendu. La scène se déroule de nuit, et la pleine lune brille dans le ciel au-dessus du fantôme. Sur le sol recouvert d’herbe sont posées des citrouilles, tandis que quatre chauves-souris sont pendues à la branche à laquelle le Pendu est accroché, figurant l’énergie vitale qui habite la branche qui les porte. L’une d’elles est endormie et entre elle et sa voisine pend une araignée au bout de son fil. Le fantôme quant à lui ferme les yeux, l’air serein et apaisé, visiblement en pleine méditation. Dans son prolongement, une colonne de lumière émane de lui et relie le sol, évoquant d’ailleurs le tronc de la potence chez Waite. Une flamme (identique à celles que l’on a vues sur l’Ermite) flotte dans ce faisceau, juste au-dessus du sol. Elle symbolise bien sûr la profonde réflexion, l’introspection qui anime l’esprit du Pendu et qui le mènera vers les solutions qu’il aura besoin de mettre en œuvre une fois qu’il aura repris sa marche. La scène illustrée ici exprime les mêmes notions que celle que l’on trouve chez Waite, mais les présente différemment, de manière à ce qu’elles soient plus explicites et que soient mis en relief les aspects bénéfiques de la pause forcée du Pendu.
La Lune
La Lune, quant à elle, est une lame souvent difficile à interpréter dans le Rider-Waite Smith Tarot en raison de ses multiples aspects d’une part et de l’atmosphère mystérieuse quelque peu inquiétante qui s’en dégage d’autre part. Elle est également une lame très chargée sur les plans spirituel, ésotérique et symbolique. On y retrouve notamment les piliers du Temple que garde la Grande Prêtresse (qui apparaissent aussi sur la Mort), l’évocation des choses enfouies à travers l’écrevisse qui remonte à la surface du plan d’eau et le chemin qui en émerge pour mener à leur résolution, la dualité entre les instincts animaux et la domination de ces derniers par la présence d’un chien et d’un loup, et les multiples phases de la lune qui, plongée en pleine méditation, affiche un visage plutôt fermé tout en aspirant l’énergie qu’elle trouve autour d’elle et dont elle se nourrit. L’intériorité et les apparences parfois trompeuses sont les principaux aspects de cette lame et elles sont mises en relief ici de diverses manières.
Dans le Boo Tarot, la Lune paraît plus douce et moins inquiétante car bien que les principaux aspects en aient été conservés, ils y sont figurés de manière différente. Le chien et le loup sont bien là, mais l’écrevisse disparaît au profit du reflet de la lune dans le plan d’eau qui est devenu un cours d’eau s’éloignant à travers une épaisse forêt de sapins. Ce reflet peut symboliser à la fois les souvenirs douloureux et les peurs profondément enfouis qui remontent à la surface (et qui reviennent donc à l’esprit du consultant) tout comme il peut évoquer les apparences trompeuses car un simple reflet n’est pas l’objet originel (d’ailleurs, le reflet est ici différent de la lune que l’on voit dans le ciel), de la même manière que la lumière de la lune déforme la vision que l’on a de l’environnement dans lequel on se trouve. Les piliers du Temple prennent les traits de cucurbitacées disposées de part et d’autre du cours d’eau, dont certaines sont empilées. Le fantôme de la lame dort lové sur le croissant de lune accroché dans le ciel et porte un bonnet de nuit sur la tête, ce qui rappelle l’aspect maternel de la lune et ajoute une note de douceur. Un autre fantôme s’élève également au-dessus des courges sur la droite, comme libéré de quelque chose.
Cette version de la lune est d’une grande douceur, tant par la structure de l’image et les éléments qui la composent que par les couleurs particulièrement harmonieuses qui sont employées. Elle n’efface pas pour autant les difficultés qui peuvent surgir lorsque la Lune apparaît dans un tirage, mais elle les rend moins insurmontables et insuffle au consultant la confiance en lui dont il aura besoin pour les surmonter.
Le Dix de Pentacles
Le Dix de Pentacles évoque la famille et l’héritage familial sous toutes ses formes, et le Boo Tarot aborde cette lame avec une délicatesse, une poésie et une douceur particulièrement émouvantes. Dans le Waite, on y voit plusieurs générations d’une même famille dans le domaine qui leur appartient. Au premier plan est assis le grand-père qui caresse deux chiens. Un peu plus loin se tiennent les parents et leur enfant, qui se tient contre la robe de sa mère tout en caressant l’arrière-train de l’un des chiens. Ces personnages se trouvent dans la riche propriété familiale, solidement bâtie, dont l’arche est ornée du blason de la lignée et des représentations picturales des richesses matérielles qui ont été transmises de génération en génération. De la même manière, les tissus desquels sont faits les vêtements du grand-père affichent des motifs reflétant l’abondance matérielle héritée de la terre. On remarque par ailleurs que les dix pentacles de la lame sont disposés à la manière des Sephiroth de l’Arbre de Vie de la Kabbale, figurant ainsi la notion d’hérédité et de filiation.
Si l’on retrouve toutes ces notions dans le Boo Tarot, elles y sont transposées différemment et avec une grande finesse. Ici, on se trouve dans une pièce confortable dont les murs sont tapissés et ne présentent aucune fissure ou signe d’usure. Une belle et imposante cheminée dans laquelle est allumé un feu trône au centre de la carte. Aux extrémités de son manteau sont disposés des vases remplis de fleurs, tels des offrandes en hommage aux ancêtres dont les portraits sont accrochés ou posés sur et autour de la cheminée. Le plus grand des tableaux, qui compte cinq fantômes (un couple d’adultes et trois enfants), est posé au centre du manteau de la cheminée ; un autre, en forme de médaillon, est accroché au mur à côté de lui. Trois autres portraits comportant un fantôme chacun sont également répartis de part et d’autre de la cheminée. Il est très intéressant de noter que la disposition des portraits rappelle fortement celle d’un arbre généalogique, de la même manière que le fait l’Arbre de Vie présent dans le Waite d’origine. Il est d’ailleurs encore plus saisissant de remarquer que ces portraits comptent en tout neuf fantômes. À ceux-ci s’ajoute le fantôme de la lame qui, assis sur un coussin bien gonflé au pied de la cheminée, lunettes sur le nez et livre sous les yeux, incarne la continuité des fantômes disparus, reliant ainsi le passé et le présent. Ce dixième fantôme matérialise la dixième Sephirah de l’Arbre de Vie simplifié représenté par les dix pentacles chez Waite. Les dix pentacles sont quant à eux accrochés au mur en arc de cercle au-dessus de la cheminée, encadrant certains tableaux et reliant les deux extrémités. Enfin, face au fantôme se trouve un coffre entrouvert posé sur le sol. On entrevoit à l’intérieur de celui-ci un trésor de pierres précieuses et de bijoux qui rappelle les richesses matérielles acquises par cette famille au fil des ans.
Comme on le voit ici, tous les aspects du Dix de Pentacles d’origine sont représentés sur cette lame, mais sous un angle différent : si les richesses matérielles apparaissent à travers le trésor et le confort de la pièce, c’est surtout la notion du souvenir qui est mise en avant à travers les portraits des fantômes dont le fantôme lecteur s’entoure pour se sentir en famille. Là où dans le Waite les ancêtres sont représentés de façon abstraite sous les traits des blasons et des gravures qui ornent l’arche, ici ils sont rendus plus présents et plus concrets à travers leur image. On trouve dans cette lame le souvenir, le recueillement, la mémoire de l’histoire familiale et à travers elle l’hérédité, tant matérielle qu’immatérielle. Tout ceci apporte du réconfort au fantôme présent sur la lame et maintient le souvenir vivant, à la manière du feu de cheminée qui réchauffe la pièce et l’empêche de se détériorer. Le souvenir est intact tant qu’on l’entretient, et cette lame traduit cette idée avec une grande sensibilité.
… d’un humour attendrissant…
L’atmosphère onirique, poétique et réconfortante développée dans le Boo Tarot et dans le monde qu’il figure trouve un prolongement dans un humour attendrissant lui aussi omniprésent. Ici, l’artiste explore les possibilités offertes par les fantômes et leur mode d’existence, ce qui amène à voir le monde de leur point de vue et de le considérer à travers leurs yeux.
Ainsi, on ne peut s’empêcher de sourire en regardant certaines lames et d’être émerveillé par l’inventivité dont fait preuve Célia Melesville pour retranscrire la réalité des fantômes. Les situations qu’elle présente sont tour à tour mignonnes, malignes, créatives, souvent tout cela à la fois, et toujours amusantes et non dénuées d’une certaine profondeur dans les messages qu’elles véhiculent et les aspects qu’elles transcrivent des lames qu’elles illustrent.
La Roue de Fortune
Par exemple, la Roue de Fortune, qui est censée représenter les grands mécanismes sacrés qui régissent le Monde, devient dans le Boo Tarot… une machine à laver le linge ! Un lave-linge à hublot trône au centre de la carte, posé sur le sol. De part et d’autre derrière lui sont plantés des piquets reliés par le fil d’une toile d’araignée (on aperçoit d’ailleurs la tisseuse à l’extrémité droite du fil), qui fait office de corde à linge. Sur celle-ci sont accrochés deux fantômes grâce à des pinces à linge, l’un tête en bas, l’autre tête en haut. Tous deux arborant un immense sourire et une expression joyeuse, comme s’ils s’amusaient sur une balançoire. À l’intérieur du lave-linge se trouve un autre fantôme, en plein nettoyage. On distingue à travers le hublot des bulles qu’il semble particulièrement apprécier si l’on en croit l’expression de plaisir qu’affiche son visage. Sur le lave-linge sont posées les deux potions qui servent au nettoyage des fantômes. Devant l’appareil flottent trois fantômes, boueux et tachés. Ils attendent patiemment la fin du programme de lavage dont est en train de profiter leur camarade, visiblement enthousiastes à l’idée que leur tour vienne.
Si elle prête à sourire tant l’idée du lave-linge est bien trouvée et correspond parfaitement au monde dans lequel évoluent les fantômes, cette image est une réécriture très intelligente de la lame d’origine. En effet, la notion de cycle, centrale dans la Roue de Fortune, est représentée ici non seulement par le lave-linge qui fonctionne par cycles (de lavage), mais aussi par la position des fantômes qui se trouvent à l’extérieur de l’appareil. Autour du lave-linge et de son hublot qui sont la Roue (le tambour tourne pour laver le linge), les fantômes propres se trouvent en haut, c’est-à-dire en position forte et dominante, comme le sphinx bleu chez Waite. Les fantômes sales, quant à eux, sont en dessous de l’appareil comme Anubis chez Waite. Ceux-ci sont en attente d’être à nouveau propres, c’est-à-dire en position dominante, capables à nouveau d’exprimer pleinement leur nature de fantômes grâce à une apparence immaculée. Ainsi, l’artiste n’adopte pas ici une vision humoristique au détriment des principaux aspects de la lame originale, bien au contraire : elle le fait afin de les mettre en valeur et de les exprimer d’une manière que tout un chacun comprendra et intégrera facilement.
La Tour
La Tour crénelée du Waite laisse place ici à une Tour pointue dont la partie supérieure (celle qui se trouve séparée du reste par les flammes) rappelle un chapeau de magicien ou de sorcière. Ainsi, le pouvoir du roi évoqué dans le Waite avec la couronne qui tombe est remplacé dans le Boo Tarot par celui du magicien. Si le premier s’exerce sur le plan humain, concret et tangible, le second concerne quant à lui le plan invisible et immatériel, l’Autre Monde dans lequel les fantômes existent. Cette image s’adapte par conséquent fort bien à l’univers des fantômes !
Comme dans le Waite original, la Tour est en proie aux flammes, et deux fantômes s’en échappent, l’air inquiet. Contrairement à ce qui est illustré dans le Waite où l’on voit un roi et un garde, rien ne permet d’identifier qui sont ces fantômes, pas plus que leur rang social. Des chauves-souris volent autour d’eux comme si elles prenaient elles aussi la fuite et quittaient également leur abri. Le ciel quant à lui est sombre et des nuages viennent l’encombrer.
Si chez Waite la Tour est l’une des lames les plus inquiétantes voire effrayantes du jeu, dans le Boo Tarot la peur qu’elle suscite habituellement n’est pas le principal aspect qui est mis en avant. Au contraire, on insiste ici sur les opportunités offertes par la lame et qui sont souvent négligées. Chez Waite, la Tour est juchée au sommet d’un pic rocheux et la nature est totalement absente de la scène (si l’on fait abstraction des phénomènes météorologiques, bien sûr). Dans le Boo Tarot, le décor est très différent : si l’on ne voit pas sur quoi repose le pied de la Tour, on remarque en revanche au premier plan une végétation verdoyante et abondante. Celle-ci symbolise la fertilité, en opposition au décor de la lame d’origine qui ne suggère qu’aridité et désolation. La principale notion mise en avant chez les fantômes est celle de l’abondance, de la fertilité, de la reconstruction et du renouveau, qui fait aussi partie de celles véhiculées par la lame originale. En effet, une fois la Tour détruite par les flammes qui la purifient au passage, la possibilité de reconstruire s’offre à celui qui subit la destruction brutale de l’édifice. Cette fois, il pourra ériger une tour plus sûre et plus solide, sur de meilleures fondations.
Malgré l’inquiétude que peut susciter la Tour lorsqu’elle apparaît dans un tirage, celle du Boo Tarot provoque également une réaction quelque peu inattendue car lorsqu’on la voit, on ne peut s’empêcher de sourire. Bien que cela paraisse contradictoire avec la lame d’origine, il n’en est rien. On trouve en effet au premier plan, flottant juste au-dessus de la végétation, deux fantômes qui affichent une complicité certaine. Le premier (à gauche) tient une boîte d’allumettes ouverte, et le second (à droite) tient une allumette allumée dans la main gauche. Le premier fait un clin d’œil à son comparse qui regarde la Tour brûler d’un air à la fois amusé et curieux, comme quelqu’un qui attend de voir le résultat de ses actions. On comprend bien sûr qu’aidé du premier fantôme (ou incité par ce dernier ?), le second a allumé le feu qui ravage à présent la Tour, à la fois pour s’amuser et pour voir ce que cela donnerait. Ici, ce n’est pas la foudre qui frappe la Tour et la détruit, mais bien les deux fantômes, qui semblent en faire un jeu. Le premier fantôme représente l’impulsion, l’étincelle qui permet de recommencer ce que l’on a entrepris, sur des bases plus solides cette fois. Le second fantôme quant à lui est le passage à l’acte, qui permet dans un premier temps la destruction pour ensuite reconstruire.
Cette mise en scène surprenante et humoristique met en relief (et au premier plan) cet aspect important de la Tour que l’on oublie facilement chez Waite en trouvant cette lame dans un tirage. La destruction et l’écroulement ne sont pas une fin en soi, mais plutôt l’opportunité de recommencer et de reconstruire sur de meilleures bases, sans répéter les erreurs déjà commises. On trouve aussi à travers cette image une mise en garde qui peut être pertinente dans certains tirages : nous sommes parfois nous-mêmes les incendiaires de nos propres entreprises, et nous avons la possibilité d’éviter la destruction si nous nous montrons vigilants et si nous ne cédons pas à certaines pulsions. Bien sûr, nous avons tout autant la possibilité de la provoquer si nous jugeons qu’elle est nécessaire, tout dépendra du contexte dans lequel cette Tour apparaît ! Encore une fois, l’adaptation de la Tour à l’univers des fantômes ne dénature pas la lame d’origine mais en présente les différents aspects sans les dénaturer, avec un trait d’humour qui ne manquera pas de marquer les esprits des consultants !
Le Huit de Bâtons
Le Huit de Bâtons fait partie des lames les plus abstraites dans le Waite d’origine. On n’y voit que les huit bâtons de la lame parallèles les uns aux autres qui évoluent en un mouvement descendant. À l’arrière-plan, on distingue un paysage paisible de campagne. Difficile, donc, sans le décryptage qu’en donne Waite, de comprendre les significations de cette lame !
Le Boo Tarot présente quant à lui une scène plus habitée puisqu’on y voit un fantôme accompagné de deux chauves-souris. Les huit bâtons de la lame originale sont devenus des os (comme tous les Bâtons du Boo Tarot) et comme chez Waite, ils sont parallèles les uns aux autres, à l’exception de celui qui se trouve tout en haut et dont la course dévie par rapport aux autres. La course des huit os est ici aussi descendante, et la notion de rapidité apparaît de façon plus visible que chez Waite à travers la matérialisation du déplacement de l’air derrière chaque os.
Sur le quatrième os en partant du bas se tient un fantôme qui semble beaucoup s’amuser. Il porte des lunettes de ski et lève les bras en l’air tout en fermant les yeux et en arborant un large sourire, appréciant la vitesse à laquelle il se déplace, enthousiaste et serein. Complété de paille à l’arrière, l’os qui le porte ressemble à un balai, similaire à ceux qui transportent les sorcières dans l’inconscient collectif. Une écharpe est même attachée à cet os-balai juste derrière le fantôme, confirmant le froid qui règne dans ce décor hivernal fait de nuages blancs et de neige. Deux chauves-souris lancées à vive allure accompagnent le fantôme, renforçant ainsi la notion de vitesse véhiculée par cette lame.
Si l’image d’un fantôme aux sports d’hiver est amusante et fait sourire, elle est on ne peut mieux choisie pour retranscrire l’essence du Huit de Bâtons. En effet, ce fantôme glisse dans les airs grâce au vent et à la magie qui anime les os qui se déplacent dans le ciel. Comme on peut le voir sur son visage serein et heureux et à sa facilité à rester en place sur son os-balai, ce fantôme n’a aucun effort particulier à fournir pour initier le mouvement ou pour le conserver. Cette représentation est par conséquent parfaite pour dépeindre les principales notions véhiculées par la lame qui sont la rapidité et la facilité avec lesquelles se déroulent les choses autour du consultant, sans qu’il ait de gros efforts à fournir. Autrement dit, les choses se mettent en place rapidement autour de lui et il n’a plus qu’à accompagner le mouvement afin d’accueillir les changements qui viennent à lui. Ici encore, l’axe humoristique permet d’attirer l’attention sur quelque chose qui n’était pas nécessairement évident sur la lame originale sans pour autant la dénaturer.
Le Quatre de Pentacles
Parmi les lames qui font sourire à travers une représentation humoristique, le Quatre de Pentacles est sans doute l’une des plus réussies. Dans le Waite d’origine, le Quatre de Pentacles montre un roi (il porte une couronne) assis sur un siège de pierre en extérieur. À l’arrière-plan, on distingue une ville dont on comprend qu’elle lui appartient. Au centre de la carte, le personnage est richement vêtu et porte un manteau de fourrure sur ses épaules. Les quatre pentacles de la lame sont disposés de manière à ce que personne ne puisse les lui prendre car ils sont ses possessions : l’un est posé sur sa tête dans sa couronne tandis qu’il en agrippe un autre fermement de ses deux mains ; ses pieds sont quant à eux ancrés au sol, chacun sur l’un des deux derniers. En voyant cette scène, on comprend à quel point ce personnage est attaché à ses possessions matérielles ! C’est d’ailleurs de qui lui vaut d’être fréquemment surnommé « Oncle Picsou » !
Le Boo Tarot prolonge les différents aspects mis en relief par le Waite d’origine en y ajoutant une pointe d’humour supplémentaire. Ici, le décor rappelle celui de la lame originale avec la ville en arrière-plan, mais le paysage général est moins aride que chez Waite puisqu’on se trouve dans une étendue de verdure au milieu de laquelle s’élève un muret de briques qui sépare le fantôme de la ville.
Le fantôme, quant à lui, flotte au centre de la lame, au-dessus d’un chemin pavé multicolore dont une zone (celle au-dessus de laquelle se trouve le fantôme) est délimitée par des crânes. Comme le personnage mis en scène chez Waite, le fantôme porte une couronne mais à la différence de celui-ci, il n’a pas de pieds et ne peut donc sécuriser les pentacles de la même manière que le roi du Waite. C’est pourquoi au lieu de les tenir à l’extérieur de lui-même, il les avale ! En effet, trois se trouvent déjà à l’intérieur du fantôme (on les voit par transparence), et il est en train d’ingérer le dernier en ouvrant bien grand la bouche, rendant ainsi toute tentative de vol des pentacles vouée à l’échec. Si l’on pouvait trouver que le roi présent chez Waite protégeait ses possessions de manière exagérée, ce fantôme le surpasse amplement !
Si l’exagération est présente et fait sourire sur ces deux versions du Quatre de Pentacles, elle est encore plus visible dans le Boo Tarot, où elle met en exergue plusieurs aspects complémentaires : un trop grand attachement aux possessions matérielles, la peur de manquer sur le plan matériel alors que l’on a déjà tout, la difficulté à lâcher prise, la tendance à vouloir tout contrôler, mais aussi certains excès puisqu’en voyant ce fantôme on ne peut s’empêcher de penser à un glouton qui se goinfre jusqu’à se remplir totalement quitte à dépasser ses propres limites. En adoptant une approche humoristique, Célia Melesville réussit à mettre en valeur une multitude d’aspects véhiculés par cette lame dont beaucoup ne transparaissent pas au premier coup d’œil chez Waite… et elle le fait de façon très habile !
… mais aussi inquiétant !
Comme on l’a vu jusqu’à présent, le Boo Tarot est une remarquable réécriture du Rider-Waite Smith Tarot qui transpose la symbolique originale dans un monde exquis, fait de poésie et de douceur, parsemé d’un humour attendrissant. Certaines lames s’en trouvent ainsi adoucies, du moins en apparence. Cela signifie-t-il que ce jeu présente une version édulcorée du tarot en en escamotant les lames qui peuvent être difficiles à appréhender pour les consultants ? Si certains créateurs de jeux sont déjà tombés dans cet écueil, présentant ainsi des tarots qui n’en étaient plus vraiment tant ils étaient déséquilibrés, ce n’est pas le cas de Célia Melesville avec le Boo Tarot… et c’est tant mieux !
Il a été démontré plus haut que la douceur et l’humour déployés ne sont en rien un frein à la dureté des messages véhiculés par certaines lames, bien au contraire. L’approche poétique permet d’illustrer les aspects les moins plaisants des lames tout en faisant passer les idées de manière à ce qu’elles soient acceptables – et acceptées ! – par les consultants sans que la peur soit la première réaction. Ainsi, ils peuvent se concentrer directement sur la façon d’aborder ce qui se présente à eux et travailler sur la réaction à y apporter.
Cependant, le Boo Tarot n’est pas que douceur et humour. Certaines lames y sont effrayantes, et ce ne sont pas toujours celles auxquelles on pourrait s’attendre. De la même manière que la douceur met en relief par contraste les difficultés annoncées par certaines lames, Célia Melesville n’hésite pas à en rendre d’autres plus sombres (ou encore plus sombres) qu’elles ne le sont dans le Waite d’origine. L’effet produit fait ressortir des aspects que l’on a parfois tendance à mettre de côté car ils n’apparaissent pas au premier regard. Voilà qui rappelle qu’à bien y regarder, certaines situations, bien que déjà difficiles, sont encore moins bien engagées qu’elles n’y paraissent.
Le Neuf de Bâtons
Chez Waite, le Neuf de Bâtons présente un personnage à la tête bandée, appuyé sur l’un des neuf bâtons de la lame. L’air inquiet, visiblement soucieux par rapport à un éventuel danger qui pourrait surgir au loin et le frapper à nouveau (voire pire ?), il scrute l’horizon, prêt à se défendre avec le bâton qu’il tient de ses deux mains. Les autres bâtons de la lame sont dressés derrière lui en palissade, là encore en guise de protection. À l’arrière-plan, on aperçoit un paysage naturel qui présente des reliefs.
Dans le Boo Tarot, le Neuf de Bâtons est facilement reconnaissable. Au premier plan, il met en scène un fantôme qui flotte juste au-dessus d’une étendue d’herbe. S’il ressemble beaucoup au personnage du Waite avec son bandage sur la tête et l’os (en guise de bâton) qu’il tient fermement de ses deux mains, le fantôme est cependant plus abîmé que sont homologue humain car le drap qui l’habille est rapiécé d’un côté, et déchiré puis raccommodé grossièrement en plusieurs endroits. Ces détails insistent sur l’opposition qu’a déjà rencontrée le fantôme et sur les batailles qu’il a dû mener et dont il ressort diminué mais non vaincu. Son visage est aussi fermé que celui du personnage présenté chez Waite, et il est l’un des rares fantômes à ne pas sourire tant il est concentré sur la défense de son territoire. Derrière lui, on retrouve une palissade d’os qui le sépare d’une colline sur laquelle est juchée grande maison typique des maisons hantées et du cimetière qui y fait office de jardin. Il s’agit non seulement de son domaine, mais aussi de l’endroit dans lequel résident d’autres fantômes puisque le jeu présente les cimetières et les vieilles maisons comme étant les lieux favoris des fantômes.
Si chez Waite la scène se passe de jour (le ciel est bleu) et ne présente pas de caractère particulièrement inquiétant sur le plan visuel mis à part la blessure à la tête du personnage, le Boo Tarot apporte un caractère en apparence plus sombre et plus effrayant à cette lame. En effet, la scène se déroule de nuit, et les couleurs de l’arrière-plan sont principalement sombres, dans des tons noirs et gris, à l’exception des fenêtres de la maison qui sont éclairées. On remarque également que le ciel gris est délimité de manière très intéressante comme par des volutes de fumée, dans lesquelles flottent des yeux et des bouches qui forment les visages des fantômes qui résident dans la maison et dans les tombes. Parmi ces visages, certains sourient tandis que d’autres, avec leur bouche ouverte en arrondi, paraissent inquiets.
Cet aspect plus sombre et la suggestion des visages de fantômes tout autour de la maison traduit ici à quel point ses congénères comptent sur le fantôme blessé pour protéger et défendre leur territoire. Les matérialiser les rend également très présents, très concrets à l’esprit de ce fantôme sur les épaules de qui tout repose. L’immense responsabilité du personnage du Neuf de Bâtons est souvent mise en retrait voire occultée dans les interprétations que l’on fait de cette lame, c’est pourquoi il est intéressant de la voir mise en relief ici. L’atmosphère sombre qui règne sur cette lame illustre également l’état d’esprit du fantôme et la grande inquiétude qu’il nourrit par rapport à sa situation.
Dans sa globalité, cette approche du Neuf de Bâtons aide à approfondir la compréhension de la lame tout en en révélant au premier plan des aspects sous-jacents qui sont habituellement omis par les interprètes. Voilà qui est très enrichissant et qui ravira ceux qui aiment aller au fond des choses !
Le Dix de Bâtons
De la même manière, le Dix de Bâtons apparaît plus sombre dans le Boo Tarot qu’il ne le semble dans le Waite original. Chez Waite, la scène se passe en pleine journée, et l’on voit un ciel bleu que nul nuage ne vient obscurcir. Le personnage de la lame porte dans ses bras les dix bâtons regroupés qui forment une sorte de bouquet dont le poids lui fait courber le dos. Il se dirige vers la demeure que l’on aperçoit au loin et on comprend que c’est là-bas qu’il compte déposer son fardeau et qu’il s’apprête par-là à apporter beaucoup de souffrance aux habitants du domaine.
Alors qu’elle est implicite chez Waite, cette notion devient explicite dans le Boo Tarot, et ce dès le premier regard que l’on pose sur cette lame. C’est en effet par une nuit profonde qu’un fantôme suit un chemin pavé de pierres irrégulières qui le mène tout droit vers un domaine sombre – voire lugubre – que l’on distingue au loin. Le fantôme porte dans ses bras les dix bâtons de la lame (qui, encore une fois, sont des os) et, le dos courbé sous leur poids, il avance lentement vers les bâtisses situées en haut de la colline. Bien sûr, il compte y déposer ce qui l’encombre. Ainsi, il se soulagera de ce qui lui pèse et apportera une grande souffrance à ceux qui y résident.
Il est très intéressant à ce propos d’observer le jeu de couleurs auquel s’est livrée l’artiste sur cette lame : si la lame est sombre dans son ensemble, elle est également lumineuse. Tout d’abord, le ciel bleu foncé présente des zones plus claires et lumineuses apportée par ce qui semble être un clair de lune et des étoiles. Ensuite, l’herbe qui couvre l’espace qui se trouve de part et d’autre du chemin comporte elle aussi des zones plus claires et plus lumineuses. Cette luminosité particulière évoque bien les deux aspects qui ont été évoqués, à savoir le soulagement que ressentira le fantôme en se débarrassant des os qu’il porte d’une part, et d’autre part la douleur qu’il apportera en le faisant. Ces deux aspects apparaissent donc ici implicitement comme indissociables, ce qui explique le caractère plus sombre du Dix de Bâtons dans le Boo Tarot.
Le Huit d’Épées
S’il est une lame inquiétante dans le Boo Tarot, c’est bien le Huit d’Épées ! Là encore, certains éléments viennent mettre en exergue des aspects qui sont présents chez Waite de façon implicite.
Dans le Rider-Waite Smith Tarot, le Huit d’Épées montre une figure en bien mauvaise posture puisque l’unique personnage de la lame – une femme – se tient debout au milieu d’une zone marécageuse qui, par sa nature instable, rend sa progression peu aisée et périlleuse. Comme si cela ne suffisait pas, le personnage a les yeux bandés et est entravé par des liens qui lui enserrent le tronc, menaçant ainsi son équilibre. Pour couronner le tout, la femme est presque encerclée d’une prison formée par les huit épées de la lame ! Au loin, sur un promontoire rocheux, on aperçoit des bâtiments. Ceux-ci représentent la société sont est exclu le personnage de la lame, et l’on comprend que celui-ci subit l’exil. Le ciel gris quant à lui confirme l’atmosphère triste et maussade qui règne sur l’ensemble de la lame. Tout ceci évoque bien sûr l’isolement forcé, l’exil, la mise à l’écart, les sensations d’emprisonnement, de ne pas être libre de ses mouvements et d’être entravé, que ce soit par une cause extérieure ou par soi-même (manque de confiance en soi, etc.). Ces différents aspects causent énormément de peine et un chagrin tel qu’il peut terrasser celui ou celle que décrit la lame.
Dans le Boo Tarot, la représentation visuelle de cette lame insiste encore davantage sur les éléments sont il vient d’être question. On voit au centre de la lame un fantôme dont le linceul est étiré à son maximum, allant jusqu’à se déchirer par endroits. En effet, les huit épées de la lame le clouent au sol, l’empêchant de se mouvoir et de flotter librement comme il le ferait en temps normal. Elles le maintiennent si fort que le linceul est déchiré la où elles sont plantées, tandis que les efforts fournis par le fantôme pour tenter de se dégager de leur emprise produisent d’autres déchirures, sur les côtés cette fois. Ainsi maintenu et entravé, le fantôme ne peut aller nulle part. Il était donc inutile de l’entourer de liens. À cela, Célia Melesville a préféré lui permettre d’exprimer physiquement ce qu’il ressent : avec les mains sur les yeux et une moue sans équivoque, il pleure, laissant ainsi transparaître la profonde tristesse qui l’habite en raison de sa situation.
Autour de lui, on ne distingue pas grand-chose si ce n’est une étendue d’herbe sur laquelle il est cloué et des toiles d’araignée qui l’emprisonnent encore un peu plus, contribuant par-là au caractère inquiétant et oppressant de la lame. Si l’on regarde ce décor plus attentivement, on remarque que l’herbe n’est pas aussi verdoyante que sur d’autres lames. Par endroits, elle est même marron, ce qui est un signe de sa mauvaise santé. On comprend grâce à ce détail que cloué au sol, le fantôme n’a pas la possibilité d’évoluer, et encore moins celle de mettre en pratique ses idées ou d’en avoir de nouvelles. Cette situation faite d’infertilité ne peut mener à l’épanouissement. Les toiles d’araignée quant à elle sont très denses et tapissent l’arrière-plan, insistant sur le fait que le fantôme est prisonnier d’une chose dont il aura bien du mal à se défaire. Derrière elles, le ciel nocturne prend un aspect orageux grâce aux couleurs qu’il arbore, ce qui accentue la sensation d’oppression et d’enfermement ressentie par le fantôme.
Le Huit d’Épées du Boo Tarot apparaît comme l’une des lames les plus effrayantes du jeu car il extériorise des aspects qui étaient intériorisés chez Waite. En rendant tangible la tristesse éprouvée par le fantôme là où on ne peut que la deviner chez Waite, l’artiste a donné une dimension supplémentaire au personnage : une dimension plus profonde et plus humaine, ce qui crée immanquablement un sentiment d’empathie pour ce fantôme auquel on peut aisément s’identifier.
Le Neuf d’Épées
Dans le Rider-Waite Smith Tarot, le Neuf d’Épées fait toujours partie des lames qui effraient les consultants lorsqu’il apparaît dans un tirage… et pour cause ! On y voit une figure assise sur un lit, en chemise de nuit, la tête dans les mains, en train de pleurer en raison d’un réveil nocturne. La couverture qui couvre la partie inférieure de son corps présente un motif de damier qui alterne des roses et des symboles astrologiques, et le coffrage du lit montre des gravures de scènes mythologiques. Mis à part ces éléments, on ne voit rien d’autre que les neuf épées de la lame, suspendues au-dessus du lit bien parallèles les unes aux autres, telles des épées de Damoclès qui menacent de s’abattre à tout moment sur le personnage déjà bien mal en point. Le fond de la lame quant à lui est d’un noir profond, tel celui de la nuit, à la fois naturelle et symbolique, dans laquelle se trouve le personnage.
Comme on peut s’y attendre, les notions véhiculées par la lame sont celles induites par l’image. Les terreurs nocturnes sont bien sûr au premier plan, ce qui inclue les cauchemars, les traumatismes et les douleurs qui reviennent à l’esprit une fois la nuit tombée, mais aussi les soucis et tout ce qui peut oppresser, encombrer l’esprit et mener au désespoir le plus profond.
Si le Waite original dépeint la personne qui subit les terreurs nocturnes et leurs conséquences, le Boo Tarot adopte le point de vue complémentaire en montrant ce qui assaille l’humain. D’une certaine manière, il répond au Waite, proposant ainsi une réécriture habile et subtile. Au centre de la lame flotte un fantôme qui crie, l’air en colère, les yeux froncés et la bouche grande ouverte. Dans ses mains, il porte une pancarte en bois sur laquelle est gravé « BOO !! », qui n’est autre que le mot que l’on crie lorsqu’on veut faire peur à quelqu’un. Ce cri est amplifié par les contours concentriques noirs qui entourent le fantôme et qui suggèrent les ondes sonores qui se répandent. Dans ces ondes sont plantées les ombres des neuf épées de la lame, qui représentent la douleur, la peine et le chagrin qu’il provoque. Autour du fantôme on ne distingue rien qui permettent d’identifier un lieu. Il flotte au milieu de l’obscurité qui prend des aspects de ciel orageux à travers des tons à la fois noirs, gris, des nuances de bleu et de rouge violacé.
Le fantôme incarne ce qui tourmente l’humain chez Waite, et l’on ne pouvait imaginer meilleure réécriture pour cette lame. Quoi de mieux, en effet, qu’un fantôme en colère pour donner vie aux terreurs nocturnes et à tout ce qui est induit par cette lame ? De la même manière que les fantômes hantent certains lieux auxquels ils restent attachés, les peurs et les traumatismes hantent ceux qui les subissent et qui sont sous leur emprise. Ces douleurs vivaces sont ici personnifiées à travers le fantôme qui tourmente l’humain.
Un hommage constant à l’automne et à Halloween
Le monde dans lequel évoluent les fantômes qui peuplent le Boo Tarot présente des situations tantôt humoristiques et attendrissantes, tantôt effrayantes, mais toujours adaptées à leur nature de fantômes. Mieux encore, les illustrations montrent tour à tour notre monde terrestre et tangible (celui qu’ils hantent) et l’Autre Monde (celui qu’ils habitent puisqu’ils ne font plus partie des vivants).
La saison des fantômes
En nous transportant ainsi dans l’univers propre à ces sympathiques fantômes, le Boo Tarot nous permet de le visiter en adoptant leur point de vue tout en préservant le lien entre les deux plans de l’existence que sont notre monde et l’Autre Monde. Afin de mettre en évidence ces liens et la continuité entre les deux mondes, de nombreuses lames représentent les fantômes dans des décors automnaux où l’on trouve abondamment citrouilles et autres courges.
Voilà qui est particulièrement judicieux car le folklore occidental associe généralement les fantômes à la Saison Sombre qui commence à l’automne et se prolonge jusqu’à la fin de l’hiver. Nombreux sont, en effet, les contes et les légendes qui relatent des rencontres avec des fantômes, des histoires de lieux ou d’objets hantés, ou encore de sites naturels – remarquables ou non – où les visiteurs et les passants ont été ou sont encore témoins d’apparitions.
Ces contacts avec l’Autre Monde sont traditionnellement facilités par la période de l’année dans laquelle ils se déroulent puisque de l’équinoxe d’automne (en septembre) à l’équinoxe de printemps (en mars), les journées sont plus courtes que les nuits. Entre ces deux équinoxes, il est donc plus probable de rencontrer des habitants de l’Autre Monde : des Êtres Surnaturels, bien sûr, mais aussi… des fantômes !
La période la plus propice pour en rencontrer est située entre Samhain/Halloween et Yule. Samhain, dont certains aspects subsistent aujourd’hui en Halloween, était le Nouvel An des Celtes. La nuit de Samhain était considérée comme hors du temps, n’appartenant ni à l’année qui s’achevait ni à l’année qui commençait (en partie pour des questions de régulation du calendrier). Par conséquent, elle était aussi celle durant laquelle le Voile entre les deux mondes (le monde visible et l’Autre Monde) s’affinait au maximum, laissant circuler dans le monde visible des êtres appartenant à l’Autre Monde. Les deux plans de l’existence pouvaient alors se côtoyer, et les défunts pouvaient rendre visite aux êtres chers qu’ils avaient laissés derrière eux en passant de l’autre côté. Cependant, les fantômes des disparus chers aux vivants n’étaient pas les seuls à arpenter la terre ferme, d’où certains rituels qui visaient à se protéger des esprits malveillants et malfaisants. Un certain nombre de ces rituels subsiste d’ailleurs encore aujourd’hui de manière désacralisée sous les traits de plusieurs traditions populaires auxquelles on se livre à Halloween.
Si Samhain/Halloween marque aujourd’hui le milieu de l’automne et le déclin visible du temps d’ensoleillement journalier, Yule, le solstice d’hiver, est quant à lui le début de notre hiver et le jour le plus court de l’année. Dès le solstice passé, les journées commencent à rallonger et le soleil gagne à nouveau du terrain sur l’obscurité. C’est pourquoi la période qui précède Yule, qui est la plus sombre de l’année, est également propice aux rencontres surnaturelles, qu’il s’agisse de fantômes ou d’autres esprits de l’hiver.
Samhain/Halloween et traditions d’automne
Afin de donner un cadre d’existence aux fantômes qu’il met en scène, le Boo Tarot met l’automne à l’honneur, que ce soit dans le décor ou dans les multiples références à l’univers d’Halloween et aux traditions de saison. Certaines ont déjà été aperçues à travers les lames étudiées plus haut, mais d’autres sont également très intéressantes car elles reflètent des coutumes ancestrales qui ont encore cours de nos jours.
Le Diable et le « trick-or-treating »
Par exemple, le Diable du Boo Tarot est bien différent de celui que l’on trouve chez Waite. En effet, ce personnage habituellement assez impressionnant prend ici les traits de ce que l’on appelle un « trick-or-treater », c’est-à-dire de quelqu’un qui s’adonne au « trick-or-treating ».
S’il est l’une des traditions les plus largement suivies aujourd’hui, le « trick-or-treating » remonte, d’après ce que l’on arrive à retracer de son histoire, à l’ère préchrétienne et prend racine il y a environ 2000 ans dans les actuels Royaume-Uni, nord de la France et Irlande. Lors des célébrations de Samhain, le Nouvel An des Celtes, on se déguisait alors en fantômes et en esprits effrayants afin de faire fuir les éventuelles mauvaises rencontres issues de l’Autre Monde et l’on dressait des banquets d’où l’on prélevait des victuailles pour les disposer en offrandes aux esprits pour les apaiser.
Au début du Moyen Âge, toujours avant la Christianisation de ces contrées, on se déguisait en fantômes et en esprits de l’Autre Monde pour aller frapper aux portes et récolter de quoi manger et boire en échange d’un « tour », qui prenait la forme d’un petit numéro amusant et divertissant que l’on offrait. Ce porte-à-porte où l’on offre quelque chose à celui qui nous ouvre a par la suite donné lieu à bien d’autres traditions qui ont toujours cours aujourd’hui.
Un peu plus tard encore, après la Christianisation, les coutumes ont évolué. Ainsi, lorsque les Chrétiens ont fixé les dates de la Toussaint et du Jour des Défunts, le porte-à-porte a perduré, mais cette fois on offrait de prier pour l’âme des défunts des maisons où l’on se rendait en échange de gâteaux et de pains spéciaux. Plus tard, cette tradition fut reprise par les enfants, qui recevaient de petits présents en échange des prières promises. En Irlande et en Écosse, où les anciennes traditions païennes ne se sont pas totalement effacées, on a continué à se déguiser pour aller frapper aux portes, toujours pour récolter de la nourriture ou des boissons, mais en échange cette fois de chants, de poèmes ou d’histoires que l’on offrait aux propriétaires des lieux.
Le « trick-or-treating » tel qu’on le connaît aujourd’hui s’inscrit donc dans l’évolution d’une longue tradition de coutumes ancestrales qui n’ont cessé de s’ajuster aux différentes époques tout en conservant comme fil conducteur l’idée de l’hommage aux défunts et leur commémoration. Quoi de plus naturel, alors, de trouver une référence à cette tradition d’Halloween dans le Boo Tarot qui est peuplé de fantômes ?
C’est ce que propose Célia Melesville à travers sa représentation du Diable, qui prend ici la forme d’un fantôme déguisé en diablotin en train de savourer le butin qu’il a récolté au cours de sa nuit de « trick-or-treating ». Le fantôme de la lame porte des cornes sur la tête ainsi qu’une queue de démon en déguisement. Il tient dans la main droite un panier en forme de citrouille sur lequel est inscrit « trick-or-treat ». Celui-ci déborde de friandises tant il est rempli, si bien qu’elles se sont répandues sur le sol autour du fantôme. Toutes les gourmandises traditionnelles d’Halloween y apparaissent : sucettes, sucres d’orge, bonbons, corn candies, il ne manque rien !
Heureux du butin qu’il a récolté, le fantôme est déjà en train de déguster une sucette en rougissant de plaisir. Il semble d’ailleurs qu’il ait cédé à l’impatience et à la gourmandise car le trident de son déguisement est planté dans le sol non loin de lui, parmi les friandises. À côté du trident est posée une citrouille creusée sur laquelle est gravé un visage effrayant, autre élément traditionnel de la fête d’Halloween.
Si cette lame semble a priori enfantine (le « trick-or-treating » est aujourd’hui pratiqué par les enfants), elle est en réalité plus profonde qu’il n’y paraît au premier regard. En effet, le Diable est dans le tarot un archétype qui évoque entre autres les chaînes qui emprisonnent, notamment sous la forme d’addictions quelles qu’elles soient. Cette lame montre l’emprise que quelque chose ou quelqu’un a sur le consultant, sur un membre de son entourage ou sur une situation. Cet aspect est présent ici à travers la gourmandise du fantôme qui ne peut s’empêcher d’entamer son butin immédiatement. L’autre aspect complémentaire à celui-ci apparaît également dans cette scène, à savoir la tentation irrésistible qui pousse le fantôme à ne pas attendre davantage avant de profiter de ce qu’il a récolté. Encore une fois, on retrouve la grande subtilité dont fait preuve Célia Melesville dans ce jeu, réussissant ainsi à évoquer en douceur certains des aspects difficiles voire douloureux des lames.
Par ailleurs, il est très intéressant de trouver une tradition d’origine païenne pour illustrer le Diable car dans ses principaux aspects, cette lame est également tournée vers le monde matériel et, par conséquent, vers la terre. Or, si la dimension spirituelle des cultures païennes, avec leurs coutumes et leurs religions, n’est pas à mettre en doute, elles n’en demeurent pas moins très ancrées dans la terre et dans la nature ce qui, par conséquent, peut établir une connexion légitime avec le Diable du tarot. En outre, ces cultures ayant été diabolisées lorsque le Christianisme s’est répandu, ce qui leur était relatif était couramment associé à l’idée chrétienne du Diable et aux démons et créatures maléfiques divers et variés. Tous ces aspects, bien qu’ils soient sous-jacents ici, sont néanmoins présents grâce à l’évocation d’Halloween et des traditions qui sont attachées à cette fête.
Le Huit de Pentacles et les citrouilles gravées
Une autre tradition d’Halloween est le sujet principal d’une lame du Boo Tarot puisque le Huit de Pentacles montre un fantôme appliqué à vider et à graver des citrouilles par un joli clair de lune. Comme l’artisan que l’on trouve chez Waite, le fantôme porte un tablier de travail, qui à la fois le protège et lui permet de garder ses outils à portée de main. Devant lui se trouvent huit citrouilles, dont six forment une première pile sur le côté et une autre en commence une nouvelle. Toutes ces citrouilles ont été évidées puis gravées, si bien que l’on voit sur chacune un visage et un pentacle, ce qui les relie aux pentacles que produit l’artisan du Waite. La huitième citrouille, quant à elle, est sous la cuiller de fantôme qui est en train de la creuser afin d’en retirer les graines.
De la même manière que le personnage que met en scène Waite est concentré sur sa tâche, le fantôme du Boo Tarot est tout à ce qu’il fait. Il se montre attentif, minutieux et rigoureux, perfectionniste aussi, car il est soucieux de s’améliorer constamment pour réaliser les sculptures les plus parfaites possibles. À en juger par l’expression de son visage, la répétition ne le lasse pas et c’est avec plaisir qu’il fournit les efforts qui l’aident à progresser dans la maîtrise et l’expression de son art.
Il ne pouvait y avoir de choix plus judicieux que cette tradition d’Halloween pour illustrer le Huit de Pentacles : quiconque a déjà essayé de creuser une citrouille et d’y graver un visage sait combien l’exercice peut être ardu et nécessite patience, minutie et concentration ! De la même façon qu’il est difficile au sculpteur du Waite de donner vie à la matière brute grâce à son savoir-faire, le fantôme doit s’appliquer pour creuser la chair des citrouilles tant celle-ci est dure et, par conséquent, difficile à travailler. Comme chez Waite, on a bien ici les notions de persévérance, d’effort, de cœur à l’ouvrage, de patience et de perfectionnisme, mais encore une fois adaptées à l’univers dans lequel évoluent les fantômes.
Mais au fait : savez-vous d’où vient cette tradition de vider des citrouilles (et autres courges) et d’y graver des visages effrayants avant d’y insérer une bougie pour en faire des lanternes ? Encore une fois, c’est vers le folklore et l’histoire qu’il faut se tourner pour trouver les réponses. Ces lanternes, que l’on appelle « Jack O’ Lantern », sont originaires d’Irlande, où elles n’étaient pas encore des citrouilles mais de gros navets (il n’y avait pas de citrouilles en Irlande), comme en témoigne ce magnifique spécimen qui hante les collections du National Museum of Ireland. Ce n’est que lors des différentes vagues d’immigrations irlandaises aux États-Unis que l’on s’est mis à utiliser des citrouilles qui poussaient là-bas, car elles étaient plus rondes et plus volumineuses.
La tradition de fabriquer ces lanternes vient de la légende de Stingy Jack (Jack l’Avare), un odieux personnage qui, à sa mort, fut refusé du Paradis et de l’Enfer et fut condamné à errer sur terre dans la nuit noire avec pour seul guide un morceau de charbon incandescent que Jack plaça dans un navet évidé qui lui servit de lanterne. C’est ainsi qu’il acquit le surnom de « Jack of the Lantern » puis, dans la forme simplifiée qu’on lui connaît aujourd’hui, « Jack O’ Lantern ».
Afin de se prémunir d’une rencontre avec un personnage aussi peu recommandable que Stingy Jack et avec l’ensemble des esprits malfaisants et malintentionnés qui errent sur les chemins pendant la nuit d’Halloween, on a pris l’habitude de vider des citrouilles, d’y graver des visages inspirant la peur et d’en faire des lanternes afin d’effrayer les mauvais esprits et de les tenir à distance. Ainsi, ils renoncent à s’approcher des habitations et laissent les vivants tranquilles.
À la lumière de ces éléments, on comprend à quel point cette tradition d’Halloween est importante et à quel point ces citrouilles creusées et gravées sont indispensables au bon déroulement des festivités et des commémorations des défunts ! D’où la nécessité pour le fantôme du Huit de Pentacles de se perfectionner dans la fabrication de telles lanternes, car de lui dépend en définitive la sécurité de ceux qui participeront aux célébrations !
Une période d’introspection et de réconfort
Si l’automne est bien entendu la saison des fantômes, il est aussi une période de recueillement, d’introspection et de repli sur soi pendant laquelle on se repose et l’on reprend des forces pour se réveiller revigoré au retour du soleil. En automne, il apparaît donc naturel de se lover dans le confortable cocon que l’on se confectionne et dans lequel on trouvera un abri réconfortant et chaleureux où l’on appréciera de se réfugier et de s’isoler du monde. Ces notions sont elles aussi présentes dans le Boo Tarot de manière très délicate, comme en attestent les deux exemples ci-dessous.
Le Deux d’Épées
S’il est une lame qui évoque l’introspection dans le tarot, c’est bien le Deux d’Épées ! Chez Waite, on y voit un personnage en tunique blanche assis sur un banc de pierre, les yeux bandés et les bras croisés sur la poitrine, tenant dans chaque main une épée. Il fait nuit car un croissant de lune brille dans le ciel sans nuage, et à l’arrière-plan se trouve une étendue d’eau plutôt calme, d’où émergent quelques amas rocheux. On aperçoit au loin le rivage inhabité.
Dans le Boo Tarot, le fantôme de la lame est assis non pas sur un banc en pierre mais sur une citrouille de belle taille. Un visage a été gravé sur celle-ci et elle semble avoir pris vie car ses yeux sont fermés et une expression de sérénité l’habite. Le fantôme croise les bras sur sa poitrine comme le fait son homologue chez Waite mais à la différence de celui-ci, il ne tient pas les deux épées de la lame dans ses mains car elles seraient bien trop lourdes et imposantes, et ses mains bien trop petites pour les supporter. Les deux épées sont plantées dans le sol devant la citrouille et encadrent à la fois son visage et le fantôme. Deux chauves-souris volent de part et d’autre de la tête du fantôme, leurs ailes se rejoignant devant ses yeux, imitant ainsi de façon très poétique le bandeau que porte le personnage chez Waite.
Le décor est plus accueillant ici que chez Waite où il est plutôt austère (c’est d’ailleurs l’une des notions exprimées par la lame d’origine). On y retrouve certes l’étendue d’eau calme (sans les rochers, cette fois), les reliefs sur le rivage lointain et le croissant de lune, mais les couleurs utilisées font de cette scène un tableau onirique et paisible : des teintes bleues et violettes dominent avec différents degrés de luminosité, et les étoiles qui scintillent dans le ciel ajoutent encore à cette atmosphère enchanteresse. Il est d’ailleurs très intéressant d’observer que le violet, dont on trouve ici de multiples tons, est habituellement une couleur qui évoquent la spiritualité, la méditation, l’intériorité et la réflexion. Ces notions, qui font partie de celles véhiculées par cette lame dès le Waite d’origine, sont rendues explicites ici de façon subtile.
De la même manière que l’automne invite à se recentrer sur soi, à se régénérer, à se mettre au repos, à l’introspection, à la réflexion et à la maturation des projets et des idées, cette lame présente un fantôme tourné vers sa sphère intérieure. Qu’il soit en pleine réflexion ou en pleine méditation, il n’est pas disponible pour le monde extérieur dont il s’isole. Il cultive l’équilibre (qui transparaît à travers la symétrie que l’on observe dans la structure de la lame) dont il aura besoin pour s’affirmer lorsqu’il reviendra dans le monde extérieur et concret, de la même manière que la Nature se repose à l’automne pour se régénérer et retrouver l’équilibre qui lui permettra d’entamer une nouvelle période de fertilité au retour du soleil.
Le Monde
La représentation que donne le Boo Tarot du Monde, le dernier arcane majeur du cycle, est particulièrement intéressante dans la manière dont elle illustre les différents aspects qui sont habituellement véhiculés par cette lame car l’angle adopté est celui du réconfort que l’on trouve dans la saison automnale. Ici, il est question de s’installer confortablement dans un cocon chaleureux et de profiter des fruits que l’on récolte des efforts que l’on a déployés.
Le fantôme de la carte se prélasse dans une grande tasse contenant une boisson chaude aromatisée au sirop de courge et aux épices d’automne (traditionnellement celles que l’on utilise dans les tartes à la citrouille à Halloween et à Thanksgiving) , qui est la boisson réconfortante de la saison par excellence. Près de lui, sur la couche de crème Chantilly qui lui sert de coussin, sont disposés une étoile de badiane et des bâtons de cannelle, et l’ensemble est saupoudré de cannelle. La chaleur de la boisson est évoquée par la fumée qui s’élève de la tasse, dans laquelle se dessinent également des silhouettes de fantômes.
Comme la boisson qu’elle contient, la tasse arbore les couleurs de l’automne : une citrouille est peinte dessus, encadrée de l’inscription « Pumpkin Spice Everything Nice », qui contribue encore un peu plus à construire l’atmosphère réconfortante de la lame. Sur le sol près de la tasse sont disposées des feuilles de chêne ainsi que deux étoiles de badiane et un bâton de cannelle. Nul doute que la badiane et la cannelle diffusent autour du fantôme une douce odeur apaisante pour les sens et l’esprit !
Certes, cette scène est en apparence bien différente de celle que l’on voit dans le Rider-Waite Smith Tarot, mais elle n’en exprime pas moins les notions habituellement véhiculées par le Monde, en plus d’aborder une facette souvent méconnue de l’automne (sauf par ceux qui apprécient particulièrement cette saison !). Par exemple, l’aspect circulaire donné à la lame du Waite original par la couronne de laurier à travers laquelle passe le personnage se reflète ici dans la forme de la tasse qui, comme la couronne de laurier, évoque une forme ovale.
Le fantôme quant à lui se trouve bien au centre de l’ouverture de la tasse (elle aussi de forme circulaire), ce qui suggère là aussi l’idée de passage. On comprend à sa mine détendue et à ses joues rosies qu’il savoure le moment, lové dans les douces odeurs des épices et dans la chaleur agréable de la boisson.
Cette image est la plénitude incarnée. Il ne manque rien à ce fantôme car il a accompli tout ce qu’il lui était possible d’accomplir et a atteint les sommets les plus hauts qu’il pouvait atteindre. Il s’est réalisé pleinement et peut à présent profiter de cet accomplissement total, comme le fait la figure présente dans le Waite original. Arrivé à la fin du cycle d’évolution décrit par les lames majeures, il peut donc prendre le temps de se détendre et de récupérer de ses efforts dans cette atmosphère réconfortante en s’adonnant à un plaisir traditionnel de l’automne !
Comme on peut le constater à travers ces quelques exemples, le Boo Tarot est un jeu d’une grande richesse, et ce à bien des niveaux : par la réécriture créative qu’il propose de la tradition Waite tout d’abord, par le monde des fantômes qu’il dépeint tel un témoin et auquel il donne une consistance intéressante, par l’humour qu’il déploie et qui est propre à l’univers des fantômes, par la vision poétique et onirique qu’il développe, sans pour autant omettre les épreuves et les difficultés dont l’existence est aussi faite. En outre, l’ancrage dans les traditions et le folklore de l’automne apporte une atmosphère particulièrement adaptée à l’univers des fantômes tout en ajoutant une touche de poésie et de magie supplémentaire.
Bien sûr, il y aurait bien plus à dire encore sur les cartes en elles-mêmes et les analyses qui viennent d’être présentées pourraient s’étendre à l’ensemble du jeu tant le Boo Tarot est bien conçu. Ici, j’ai souhaité mettre en relief les principaux aspects qui caractérisent ce jeu, mais vous en remarquerez d’autres encore en le parcourant et en l’utilisant. Inutile de dire à quel point il m’a été difficile de choisir les cartes sur lesquelles concentrer mon analyse et combien me limiter à quelques-unes seulement fut un choix cornélien !
Le livret accompagnateur
Le livret accompagnateur est présenté simplement mais avec beaucoup de goût et une poésie qui prolonge l’émerveillement déjà expérimenté avec le jeu. Que ce soit dans sa forme ou en termes de contenu, on ne peut que constater – et apprécier ! – d’emblée le soin qui a été apporté à sa réalisation.
La forme
Il s’agit d’un mini-livre à la reliure collée et à la couverture souple en couleurs, loin des livrets agrafés que l’on trouve habituellement avec les jeux divinatoires lorsqu’ils ne sont pas conditionnés en coffret. De la même taille que les cartes, il se range parfaitement dans le boîtier et produit un bel effet.
L’aspect pratique a été privilégié car afin de mettre en avant son caractère bilingue français-anglais, ce livret présente deux sens de lecture, un pour chaque langue. Pour passer de l’une à l’autre, il suffit donc de le retourner, ce qui en facilite l’usage. La version anglaise est de très bonne qualité et contient les mêmes informations que la version française.
En l’ouvrant, on constate que ce livret est présenté avec beaucoup de goût et qu’une attention particulière a été portée aux détails car la mise en page est délicate et raffinée : les pieds de page sont ornés d’une frise reprenant les motifs du dos des cartes, les différentes sections sont annoncées par un fantôme accompagné d’une citrouille, d’une chauve-souris et d’étoiles, et de jolies illustrations enrichissent la section « tirages ». On retrouve ainsi la douceur déjà présente dans le jeu et on n’a qu’une envie : se plonger dans la lecture de ce petit volume pour découvrir l’univers des fantômes qui habitent le jeu !
Le contenu
Si la forme est raffinée, le contenu l’est tout autant. Bien sûr, les différentes sections sont celles que l’on a l’habitude de trouver dans les livrets accompagnateurs, mais une touche de poésie et de magie a été apportée à chacune d’elles.
Éléments introductifs
Après une dédicace qui mérite une mention spéciale pour sa sensibilité et sa délicatesse, un texte de bienvenue présente brièvement l’atmosphère de ce très joli jeu et brosse un rapide portrait du tarot et de sa structure de manière à donner quelques repères indispensables à ceux qui découvriraient cet outil avec le Boo Tarot. Les éléments évoqués sont délivrés de manière ludique et avec la poésie qui marque l’identité du jeu, ce qui permet à la fois d’accéder facilement à ces informations et de s’immerger dans le monde des fantômes.
Viennent ensuite quelques conseils pour des tirages réussis. Il ne s’agit que de quelques points, mais là encore, ils sont indispensables à tout cartomancien (débutant ou non) soucieux de réaliser de bons tirages et des interprétations pertinentes. En effet, il arrive quelquefois que l’on se laisse emporter par ses émotions lorsqu’on effectue des tirages et que l’on ait du mal à s’ancrer et à ne pas se laisser perturber par ce qui nous préoccupe. Dans ces cas-là, il est difficile de rester objectif et/ou de se concentrer de façon à parvenir à une analyse satisfaisante, et il est bon d’avoir accès à un petit récapitulatif tel que celui-ci ! Il permet de se recentrer, de prendre conscience de son état d’esprit et, si nécessaire, de se rendre compte qu’il vaut mieux reporter le tirage à un moment où l’on sera dans de meilleures dispositions.
Après ces judicieux conseils, un paragraphe évoque dans les (très) grandes lignes les lames renversées. Pour rester dans une approche très introductive, leurs rôles et les manières de les traiter lorsqu’elles apparaissent dans les tirages ont été simplifiés au maximum (voire un peu trop). Si cette démarche est compréhensible dans la mesure où l’on s’adresse principalement aux débutants et où un livret ne peut donner lieu à un traité sur les lames renversées (il y aurait de quoi faire, et il existe d’ailleurs plusieurs ouvrages dédiés à ce sujet), une trop grande simplification mène malheureusement souvent à des raccourcis qui peuvent induire en erreur. Ici par exemple, s’il est bon de rappeler que l’utilisation des lames renversées est un choix et non une obligation, il aurait été préférable de ne pas trop simplifier le vocabulaire pour éviter aux débutants d’adopter de mauvais réflexes. En effet, en cartomancie, on parle de lames droites et de lames renversées, car les deux sens de lecture sont valables et font sens en termes de significations. Parler de lames à l’endroit et à l’envers signifierait qu’il y aurait un « bon » et un « mauvais » sens, et donc un seul sens valable pour lire les cartes. Or, dans le tarot, l’image fait sens qu’elle soit droite ou renversée car son renversement n’est en rien une anomalie.
Les rôles des lames renversées sont également présentés de façon un peu trop schématique par rapport à ce qu’ils sont en réalité mais encore une fois, il faut garder à l’esprit que l’on cherche ici à rester très introductif et que l’on donne un point de départ à partir duquel les débutant pourront faire leurs premières expériences. Il ne fait nul doute que les personnes qui s’intéressent au tarot et qui voudront approfondir leurs connaissances n’hésiteront pas à le faire en complétant leur lecture ! Bien évidemment, je tiens à préciser que ce point, qui s’explique par les contraintes imposées par la taille de tout livret accompagnateur, ne remet pas en question l’excellente qualité de ce jeu !
Les méthodes de tirage
Une fois ces éléments introductifs énoncés, trois méthodes de tirage sont présentées. Chacune est accompagnée d’une jolie illustration qui encore une fois installe une atmosphère douce et poétique, ce qui aide à se plonger dans l’état d’esprit adéquat et à s’ouvrir au monde des fantômes que l’on s’apprête à visiter. Les tirages proposés sont simples, parfaits pour les débutants et pour toute personne qui cherche à se familiariser avec le Boo Tarot.
Les deux premiers sont des adaptations de deux méthodes bien connues et dont l’usage est largement répandu. Ici, Célia Melesville les a transposées dans l’univers des fantômes pour faciliter l’immersion de l’utilisateur et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est très réussi ! Non seulement le résultat est ludique car on continue à donner vie (façon de parler) aux fantômes, mais il est aussi pertinent en termes d’exploration car les éléments obtenus apportent une analyse utile au consultant.
Le troisième tirage quant à lui reprend une technique un peu plus avancée mais toujours accessible aux débutants. On a ainsi un tirage général comportant peu de cartes, toujours dans le même esprit poétique, qui saura charmer les utilisateurs curieux de se frotter à un tirage un peu plus complexe.
Ces trois tirages accompagnent parfaitement ceux qui font leurs premiers pas avec un tarot car ils éveillent la curiosité et donnent envie d’expérimenter. Polyvalents, ils aident également à utiliser les cartes pour répondre à différents types de préoccupations et constituent ainsi une bonne introduction à la pratique de la cartomancie. En ce qui me concerne, je les ai testés et approuvés, et je ne peux que vous recommander de les essayer !
La présentation des cartes
La majeure partie du livret est occupée par la description des cartes. Divisée en deux grandes sections, elle présente d’abord les arcanes majeurs, puis les arcanes mineurs, en commençant à chaque fois par une brève introduction qui aide à comprendre quels sont les rôles des lames majeures et des lames mineures. Ces introductions certes succinctes sont rédigées toujours avec la même poésie et contiennent les principaux éléments nécessaires aux débutants pour comprendre la structure générale du tarot.
Les lames majeures sont toutes présentées de la même manière, en suivant l’ordre chronologique du cycle. Un paragraphe descriptif évoque d’abord leur rôle principal et leur portée initiatique, puis il est complété par deux listes de mots-clés, l’une pour les lames droites, l’autre pour les lames renversées.
Les lames mineures sont organisées non par suite, mais par valeur : les As avec les As, les Deux avec les Deux, etc. Si cet ordre n’est pas celui que l’on trouve le plus fréquemment dans les livrets et livres accompagnateurs, il a l’avantage de mettre en relief la symbolique que revêtent les nombres et les figures de la Cour Royale dans le tarot. Or, il peut s’avérer pertinent de tenir compte de ce type d’information dans les analyses de tirages. C’est pourquoi chaque nouvelle valeur de carte est accompagnée de quelques mots-clés qui éclairent encore davantage sur ce que chacune représente dans le jeu. Les lames seules quant à elles sont décrites au moyen d’un ou deux paragraphes qui, à travers un texte doux et poétique, en présentent les principaux aspects sous la forme d’un message relevant tantôt du conseil, tantôt de la mise en garde, mais aussi d’interrogations invitant le consultant à réfléchir sur son attitude ou ses actions et l’incitant à l’introspection.
Les informations contenues dans les descriptions des cartes sont à la fois pertinentes, présentées dans l’esprit du jeu et rédigées avec beaucoup de délicatesse. Elles sont adaptées aux débutants comme aux cartomanciens plus confirmés et constituent une très bonne base de travail pour ceux qui souhaitent commencer la cartomancie ou approfondir leur connaissance des cartes.
Le livret se conclut sur une brève présentation de Célia Melesville, ce qui permet de découvrir son parcours et certains de ces centres d’intérêt. En guise d’image de fin, on retrouve l’illustration du Monde qui, comme le fait cet arcane dans le cycle des majeurs, termine le parcours. Entre le texte français et le texte anglais, une page de remerciements bilingue fait office de charnière. Voilà une belle façon de refermer ce livret bien conçu, tant dans le fond que dans la forme, qui s’adapte aussi bien aux débutants qu’aux cartomanciens plus expérimentés !
Utilisations du jeu
Le Boo Tarot est un jeu polyvalent qui peut être utilisé dans n’importe quel contexte et pour n’importe quelle problématique. En effet, la réécriture qu’il fait des codes et du langage symbolique fixés par le Rider-Waite Smith Tarot en fait un excellent jeu dans tous les domaines.
Côté pratique et réalisation de tirages, il peut ainsi couvrir les questions du quotidien et éclairer sur les préoccupations sentimentales, professionnelles, familiales, matérielles et amicales, et ce de façon très pertinente. Il est également particulièrement bien adapté aux questionnements intérieurs, qu’ils soient d’ordre spirituels, qu’ils touchent à l’évolution personnelle, à l’introspection et à l’exploration et la connaissance de soi. L’éclairage apporté dans ces domaines et d’ailleurs extrêmement intéressant car la thématique générale du jeu s’y prête à merveille, invitant à se plonger en dedans de soi et à examiner les aspects relatifs à la vie spirituelle et aux relations que l’on entretient avec l’Autre Monde.
Ainsi, le Boo Tarot peut aisément devenir un compagnon de chaque jour et un jeu fétiche dans la pratique régulière de la cartomancie. On aura alors plaisir à réaliser aussi bien des tirages rapides que des tirages plus complexes selon son degré d’expertise et selon ses besoins. En outre, la beauté et la qualité artistique de chacune des soixante-dix-huit cartes qui ont été minutieusement produites pour ce jeu saura sans nul doute donner envie à tout un chacun de les contempler et de se plonger dans l’univers des fantômes afin de mieux le connaître ce qui, par extension, mènera l’utilisateur à approfondir sa connaissance du tarot.
Se plonger dans les illustrations permet aussi de se laisser porter par celles-ci et de les laisser prendre vie au gré de notre imagination et de nos pensées. Et les fantômes que l’on rencontre dans le Boo Tarot sont si expressifs qu’il n’est pas difficile de les voir s’animer sous nos yeux ! C’est pourquoi ce jeu est également adapté à la méditation et à la contemplation. Pour cela, il vous suffit de laisser les fantômes vous prendre par la main !
À qui ce jeu s’adresse-t-il ?
Vous vous demandez si le Boo Tarot est fait pour vous ? S’il conviendra à votre pratique de la cartomancie et à votre degré d’expertise ? Compte tenu de ses nombreuses qualités sur tous les plans, il y a de grandes chances pour qu’il devienne l’un de vos supports favoris ! Quelle que soit la nature de votre intérêt pour la cartomancie, il est fort probable qu’il trouve sa place auprès de vous !
Aux collectionneurs et aux amateurs de beaux jeux
Cartomancien ou non, vous collectionnez les jeux divinatoires et appréciez avoir de belles pièces entre les mains ? Que votre intérêt pour la cartomancie se limite à la collection ou qu’il inclue un goût particulier pour la pratique avec des jeux à l’esthétique intéressante et travaillée, vous trouverez en le Boo Tarot un ajout de choix à votre collection.
La qualité des aquarelles de Célia Melesville a été largement vantée tout au long de cette critique, tant sur les plans esthétique qu’artistique ou symbolique. Ainsi, on a vu de quelle façon certaines lames font référence à des types de peintures que l’on rencontre lorsqu’on s’intéresse à l’histoire de l’art, et comment Célia Melesville, consciemment ou non, les utilise pour enrichir le langage symbolique véhiculé par les lames. Ceci apporte une indéniable valeur artistique à ce très joli jeu qui, en plus d’être émouvant et attendrissant à bien des égards, se révèle également un bel objet de collection.
C’est pourquoi si vous aimez les jeux divinatoires comme on peut aimer les livres d’images ou les beaux livres d’art, vous ne risquez pas d’être déçus avec le Boo Tarot !
Aux cartomanciens débutants et expérimentés qui cherchent un bon jeu
La qualité d’un jeu divinatoire, qu’il s’agisse d’un tarot ou d’un oracle, n’est pas déterminée par son esthétique. En effet, on peut tout à fait avoir entre les mains un beau jeu, mais dont les qualités divinatoires laissent à désirer : langage symbolique non respecté ou incohérent, symboles mal agencés ou choisis au hasard ou, pire encore, grille de lecture pour l’interprétation inexistante à travers des images sans rapport avec les notions supposément véhiculées par les lames.
Que l’on se rassure : ici, rien de tout cela ! Comme on l’a démontré jusqu’à présent, non seulement le Boo Tarot est esthétiquement très réussi, mais il est également très bien conçu et montre de la part de sa créatrice une excellente connaissance du Rider-Waite Smith Tarot et de son langage symbolique, y compris dans ses subtilités et ses finesses, comme en témoigne la réécriture qu’elle en a produite.
Ainsi, que l’on soit cartomancien débutant ou expérimenté, ce jeu présente un intérêt certain. Au débutant, il permet de découvrir le tarot de tradition Rider-Waite Smith de façon ludique et d’acquérir de bonnes connaissances en se laissant guider par les fantômes enthousiastes à l’idée de faire visiter leur monde poétique et enchanté. Au cartomancien expérimenté, il offre la possibilité d’approfondir sa connaissance du tarot en prenant conscience de certaines de ses subtilités et en mettant en évidence des aspects qui n’apparaissent pas à la surface des lames et qui ne se révèlent que lorsqu’on prend le temps de les approfondir.
Le Boo Tarot convient donc à tous, quel que soit le degré d’expertise du cartomancien. Il sera un bon compagnon de route peu importe où l’on se situe en termes de chemin parcouru dans l’apprentissage de la cartomancie car à chaque étape il aura quelque chose à apporter à son utilisateur.
Aux amateurs comme aux professionnels
Les nombreuses qualités qui ont été mises en évidence à propos du Boo Tarot jusqu’à présent en font un outil idéal pour tous, quel que soit le degré d’expertise de chacun en cartomancie certes, mais aussi quelle que soit la nature de la pratique de cette discipline. En effet, le cartomancien amateur comme professionnel trouvera avec ce jeu de quoi satisfaire ses exigences, que ce soit au niveau de ses qualités pratiques et techniques d’une part ou du plaisir qu’il aura à utiliser un jeu à la fois ludique et à l’esthétique raffinée d’autre part.
Qu’on l’utilise pour le plaisir ou dans le but d’aider des consultants dans le cadre d’une activité professionnelle, le Boo Tarot répond parfaitement à tous les besoins. D’ailleurs, j’en ai fait l’un de mes supports privilégiés en consultation, en période de Samhain bien sûr, mais aussi en hiver (l’autre saison des fantômes) et pour les problématiques touchant à la spiritualité et à l’exploration et la connaissance de soi… et mes consultants sont à chaque fois ravis de le découvrir !
Aux enfants aussi bien qu’aux adultes
Si le Boo Tarot convient bien sûr parfaitement aux cartomanciens adultes qu’il saura émerveiller à coup sûr, il s’adresse aussi aux enfants, comme le précise d’ailleurs Célia Melesville sur son site. Encore une fois, ceci témoigne de la grande sensibilité de l’artiste et de la délicatesse dont elle fait preuve à tous les niveaux dans ce très joli jeu. En le créant, elle a pensé à tout le monde. Vraiment à tout le monde.
Rares sont en effet les jeux qui s’adressent aussi aux enfants. On en trouve quelques-uns, bien sûr, que vous aurez l’occasion de découvrir au fil du temps dans mon Chaudron, mais le Boo Tarot est remarquable dans la manière dont il leur présente l’univers du tarot de manière appropriée, sans édulcorer ou dénaturer les messages complexes véhiculés par les cartes. Comme on l’a vu, ce jeu ne montre pas de scènes choquantes comme peuvent l’être celles dépeintes par exemple sur le Trois, le Neuf ou le Dix d’Épées du Rider-Waite Smith Tarot original (pour ne citer que celles-ci). Au contraire, il aborde ces lames a priori effrayantes sous un angle subtil qui permet de converser les différents aspects qu’elles véhiculent tout en les présentant de façon apparemment plus douce sans pour autant les déformer.
Par ailleurs, les fantômes qui hantent ce jeu sont particulièrement accueillants et plairont aux enfants qui apprécient la magie et le merveilleux. De même, l’humour et la poésie qui règnent sur ce monde enchanté sauront les amuser et les émouvoir, et l’ensemble éveillera sans nul doute leur curiosité, que ce soit à l’égard des fantômes et de leurs histoires… ou de l’univers du tarot !
Si vous avez des enfants et qu’ils vous posent des questions sur les cartes en général et sur le tarot en particulier, vous pouvez sans crainte utiliser le Boo Tarot pour leur apporter des éléments de réponse et les aider à ce familiariser avec ce bel outil. Il constituera une entrée en matière à la fois ludique et adaptée à la découverte puis à l’apprentissage du tarot. De plus, il leur présentera une vision authentique de ce qu’est le tarot, et non une vision déformée ou tronquée en ce qui concerne la portée initiatique et symbolique des lames, ce qui est une qualité non négligeable pour un jeu, y compris lorsqu’il est adapté aux enfants !
Remarques
D’après tous les points qui ont été mis en lumière jusqu’ici, le Boo Tarot est un excellent jeu divinatoire car il en présente toutes les qualités.
Tout d’abord, la réécriture qu’il propose du Rider-Waite Smith Tarot est particulièrement bien menée car elle rend le tarot accessible à tous malgré sa complexité initiale, sans toutefois tomber dans une approche simpliste. Les aspects complexes des lames (en particulier chez les majeures) sont vulgarisés de manière à les mettre à la portée de tous, débutants ou confirmés, enfants ou adultes, et ce avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, sans les trahir ou les dénaturer.
De la même manière, les lames habituellement effrayantes paraissent adoucies dans le Boo Tarot, du moins visuellement car comme on l’a vu, Célia Melesville réussit avec brio à retranscrire les notions les plus difficiles à accepter avec beaucoup de douceur dans la vision qu’elle en présente. Pour autant, à aucun moment elle n’édulcore les épreuves et les difficultés qu’elles évoquent puisque si l’on prend le temps d’observer et de les déchiffrer, on se rend compte que tous les éléments sont bien illustrés sur les cartes, mais sous d’autres formes que celles auxquelles on est habitués.
En plus de cette réécriture impeccable en tout point, la qualité artistique du Boo Tarot est à saluer, tant dans les références qui sont faites à des types d’œuvres d’art qui s’intègrent parfaitement à la symbolique du tarot que dans le caractère unique des aquarelles peintes par Célia Melesville. Ces dernières donnent son identité à ce très beau tarot et lui confèrent son atmosphère féerique et magique.
En outre, si ce jeu est très ancré dans l’automne et dans la période de Samhain/Halloween, il n’est pas pour autant circonscrit à cette seule saison et peut être utilisé à n’importe quel moment de l’année tant il est polyvalent et convient à toutes les situations. C’est pourquoi si l’on cherche un jeu pour le quotidien, celui-ci est parfait !
Vous l’aurez compris, le Boo Tarot est un excellent jeu à tous les niveaux, si bien qu’il est l’un de mes plus gros coups de cœur en termes de tarot. À peine mon premier exemplaire reçu, j’étais tellement sous le charme que j’en ai commandé un deuxième pour pouvoir l’utiliser en consultation… et mes consultants en sont ravis ! Est-il utile de préciser qu’il tient bien sûr une place de choix dans ma collection et qu’à titre personnel, je l’utilise très souvent ? C’est l’un de mes jeux préférés… si ce n’est mon préféré !
Où peut-on se le procurer ?
Envie d’ajouter ce très joli jeu à votre collection et/ou d’en faire l’un de vos supports favoris ? Commandez-le sans tarder sur Célia Melesville Studio, la boutique en ligne de Célia Melesville (accès direct au Boo Tarot) ! Et profitez de votre visite là-bas pour découvrir les nombreux autres trésors qui s’y trouvent !
(© Morrigann Moonshadow, le 13 décembre 2023. Reproduction partielle ou totale strictement interdite.)