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15 films de vampires que je recommande pour Walpurgisnacht!
Pour Walpurgisnacht, j’ai eu envie de vous recommander quinze films de vampires que vous pourrez regarder pour frissonner, vous amuser, ou vous plonger dans les atmosphères si particulières qui enveloppent généralement ces créatures de la nuit. Vous ne le savez peut-être pas, mais je suis une grande amatrice de littérature et de cinéma horrifiques, que j’ai découverts pour l’un durant l’année de mon entrée au collège à travers les contes et nouvelles d’Edgar Allan Poe, et pour l’autre un peu plus tôt grâce au Frankenstein de James Whale avec Boris Karloff (1931).
Pourtant, les vampires m’ont terrifiée pendant longtemps (merci Scooby-Doo !), et ce n’est qu’à la fin du collège (alors que j’avais lu tout Poe ou presque !) que, prenant mon courage à deux mains, je suis allée voir Entretien avec un vampire au cinéma. Il faut dire qu’à l’époque, Tom Cruise avait le vent en poupe et était presqu’une raison suffisante pour aller voir un film ! Je me souviens avoir trouvé le film visuellement très beau et avoir apprécié la profondeur de l’histoire et des personnages… sans parler de Brad Pitt et Antonio Banderas, qui m’ont guérie une bonne fois pour toutes de ma peur panique des vampires !
C’est ainsi que, de fil en aiguille, j’ai commencé à explorer le cinéma fantastique, d’épouvante et d’horreur davantage, des grands classiques aux productions contemporaines. J’y ai trouvé un cinéma d’une infinie richesse et, bien souvent, d’une grande profondeur dans les thèmes abordés. Cela va peut-être vous surprendre, mais j’y ai même trouvé un réconfort qui n’est pas sans rappeler celui apporté par les contes de fées et les récits issus du folklore.
Vous l’aurez compris, je souhaite ici partager avec vous un peu de l’affection que je nourris pour ce type de cinéma en profitant de la proximité de la Nuit de Walpurgis pour vous parler de vampires ! Les films sur lesquels j’attire votre attention dans les paragraphes suivants sont des films que je vous recommande, sans ordre de préférence. Par commodité, je les ai répartis par grands types afin que vous puissiez aller voir directement les sections qui vous intéressent le plus au cas où vous n’auriez pas le temps de tout lire.
Avertissement :
J’ai pris soin de préciser autant que possible à quel public chacun des films mentionnés ici est destiné. Cependant, vous devez garder à l’esprit que selon les époques, le système de classification diffère… quand il existe ! Aussi, bien que tous les films que vous trouverez ci-dessous s’adressent au grand public (la plus forte interdiction est pour les moins de 12 ans), il vous appartient de les regarder au moins une première fois avant de les montrer aux plus jeunes.
Dans tous les cas, n’oubliez pas que la peur est subjective et que si ce qui effraie certaines personnes en laisse d’autres de marbre, l’inverse est tout aussi vrai. Par conséquent, pensez à la sensibilité de chacun même si plusieurs de mes propositions sont classées « tous publics » !
Walpurgisnacht : la nuit des vampires
La Nuit de Walpurgis, aussi appelée Nuit des Sorcières (Hexennacht), est réputée pour être inquiétante et particulièrement dangereuse. C’est lors de celle-ci, par exemple, que l’on dit que les sorcières tiennent leur sabbat, où elles invoquent le Diable et ses démons (cette légende m’a d’ailleurs inspiré un tirage !).
Si les sorcières sont au cœur des superstitions et des histoires qui circulent au sujet de la Nuit de Walpurgis, les vampires ne sont pas en reste… grâce à Bram Stoker ! En effet, si la nuit au 30 avril au 1er mai faisait déjà l’objet de récits tous plus effrayants les uns que les autres, c’est l’auteur de Dracula qui l’associe aux vampires dans sa nouvelle Dracula’s Guest (L’Invité de Dracula), écrite en 1897 (la même année que Dracula) et publiée en 1914, deux ans après le décès de l’auteur.
Dans ce récit originellement pensé pour être le premier chapitre de Dracula, on rencontre Jonathan Harker qui s’aventure dans les environs de Munich malgré les mises en garde des habitants terrifiés par la Nuit de Walpurgis et les dangers qui guettent ceux qui se trouveront dans certains lieux lors de celle-ci. Ne tenant pas compte des avertissements, Harker va visiter un village abandonné et fait de bien étranges rencontres.
Comme le fit Dracula lors de sa parution, Dracula’s Guest marqua les esprits, si bien que depuis, les vampires sont aussi associés à la Nuit de Walpurgis. Si Bram Stoker a nourri ses fictions d’éléments issus du folklore, il semblerait que le folklore se soit, dans une certaine mesure, nourri des œuvres de Bram Stoker à son tour !
Envie d’en savoir plus sur la Nuit de Walpurgis, sur ses origines et les légendes qui lui sont associées ? Je vous invite à lire mes articles revenant sur les thés découverte qui lui ont été consacrés en avril 2016 et en avril 2017 !
Astuce :
Cet article étant plutôt long, je mets à votre disposition un sommaire dont les liens vous mèneront directement au contenu correspondant. Ainsi, si vous souhaitez lire cet article en plusieurs fois, vous n’aurez aucun mal à reprendre là où vous vous serez arrêtés, ou à aller directement aux films qui vous intéressent.
Autant que possible, j’ai pris soin d’éviter de faire figurer dans les présentations d’intrigues ou dans mes commentaires des éléments qui comporteraient des révélations majeures afin de ne vous gâcher ni la lecture de cet article, ni le visionnage des films. J’espère avoir préservé une part de mystère suffisante pour vous donner envie de voir ou de revoir ces œuvres cinématographiques qui tour à tour vous émerveilleront, vous effraieront, vous amuseront, ou sous surprendront !
Prêts à vous lancer ? Tressez des guirlandes d’ail, affûtez vos pieux, gardez un crucifix à portée de main et surtout, surtout, fermez bien vos fenêtres et si quelqu’un vient frapper ou gratter au carreau, ne lui ouvrez sous aucun prétexte, si plaintives soient ses supplications !
Nosferatu : l’ombre de Dracula
Nosferatu le vampire, Friedrich Wilhelm Murnau (1922)
Nosferatu, fantôme de la nuit, Werner Herzog (1979)
Dracula, Christopher Lee, et la Hammer
Dracula, Francis Ford Coppola (1992)
Vampyr, ou l’étrange aventure de David Gray, Carl Theodor Dreyer (1932)
Les Vampires de Salem, Tobe Hooper (1979)
Entretien avec un vampire, Neil Jordan (1994)
Le Bal des vampires, Roman Polanski (1967)
Vampire, vous avez dit vampire ?, Tom Holland (1985)
Abigail, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (2024)
Les inclassables… mais remarquables !
Nosferatu : l’ombre de Dracula
La première adaptation de Dracula au cinéma ne mentionne ni Dracula, ni aucun autre des noms qui figurent dans le roman de Bram Stoker car il s’agit d’une adaptation non autorisée, présentée sous le titre Nosferatu (un mot issu du roumain archaïque pouvant désigner, entre autres, un vampire), qui met en scène l’inquiétant Comte Orlok. Si la trame générale reprend les principaux éléments de l’intrigue du roman, il est intéressant de voir comment le film s’en éloigne pour créer un récit qui s’en démarque dans certains développements.
Malgré son aspect illégal, le Nosferatu original (Murnau, 1922) a marqué les esprits et les amateurs de cinéma en général et de films d’horreur en particulier nourrissent encore aujourd’hui une grande affection à son égard. Aussi, je vous propose de (re)découvrir deux versions de Nosferatu !
Nosferatu le vampire, Friedrich Wilhelm Murnau (1922)
Titre original : Nosferatu, eine Symphonie des Grauens.
Pour quel public ? PG (Parental Guidance). Tous publics, mais déconseillé aux jeunes enfants.
Synopsis
N.B. : Les noms des personnages diffèrent en fonction de la version du film que l’on regarde. Voici une brève liste dans laquelle je donne le nom original du personnage dans le film, suivi de son nom dans la version qui appartient au domaine public. Dans le synopsis ci-dessous, j’utilise les noms de la version « domaine public » car c’est celle qui figure sur mon DVD. Ainsi :
Comte Orlok = Comte Dracula
Thomas Hutter = Jonathon Harker (non, il n’y a pas de coquille)
Ellen Hutter = Nina
Knock = Renfield
Professeur Bulwer = Professeur Van Helsing
Wisburg, Allemagne, 1838. Jonathon Harker est envoyé par son employeur Renfield en Transylvanie afin de conclure avec le Comte Dracula la vente d’une grande propriété, qui s’avérera plus tard se trouver juste en face de chez lui. Sa jeune épouse Nina est très inquiète à l’idée d’être séparée de son bien-aimé et appréhende ce voyage qui le conduit vers des terres très éloignées.
Arrivé non loin de sa destination, Jonathon s’arrête dans une auberge où les locaux le mettent en garde et lui conseille de ne pas aller plus loin en raison d’effroyables créatures qui hanteraient la région la nuit. Dans sa chambre, Jonathon trouve un livre dans lequel il apprend ce que sont les vampires. Il en lit quelques pages et bien qu’il ne croie par un mot de qui y est écrit, il le met dans son sac et l’emporte avec lui.
Il continue son chemin jusqu’au Col de Borgo où le cocher l’abandonne, refusant d’aller plus loin. Il est bientôt rejoint par une autre diligence, envoyée par son hôte cette fois. Celle-ci l’emmène jusque chez Dracula. Il fait la connaissance de l’étrange Comte qui le regarde dîner. En coupant le pain, Jonathon se blesse avec le couteau et Dracula tente de sucer la plaie mais Jonathon retire sa main.
Le matin suivant, Harker se réveille avec deux plaies dans le cou mais n’en identifie pas la cause. Le soir, il conclut la vente avec Dracula et ce faisant, celui-ci tombe sur un portrait de Nina, l’épouse de Harker, et tombe sous son charme, trouvant qu’« elle a un joli cou ».
Trouvant son hôte décidément de plus en plus étrange, Jonathon reprend le livre sur les vampires une fois dans sa chambre et en arrive à la conclusion que le Comte est très certainement l’un d’entre eux. Tandis que Dracula rend une nouvelle visite nocturne à son mari, Nina, restée à Wisburg, se réveille en sursaut après un cauchemar dans lequel elle l’a vu en danger. Alors qu’elle crie son nom, Dracula, qui était sur le point de le mordre, l’entend et renonce.
Le jour suivant, Harker explore le château et ce qu’il découvre lève tous ses doutes quant à la véritable nature de Dracula. Tandis que le Comte quitte sa demeure pour rejoindre sa nouvelle acquisition en emportant avec lui plusieurs caisses, Harker entreprend de s’échapper pour rentrer auprès de son épouse.
Pourquoi je le recommande
Malgré les apparences, Nosferatu est le premier film à avoir mis en scène le Comte Dracula. En effet, bien que l’on ait pris soin de modifier les noms des personnages dans la version originale (voir plus haut), Murnau réalise bien une adaptation du roman de Bram Stoker, et ce malgré les différences évidentes entre le roman et son film. C’est pourquoi Florence Stoker poursuivit le studio de production en justice notamment pour plagiat, ce qui aboutit à un jugement qui donna raison à la veuve de l’écrivain en ordonnant la destruction de toutes les bobines qui circulaient. Toutefois, quelques-unes passèrent à travers les mailles du filet, ce qui permit de préserver ce chef-d’œuvre du cinéma muet et d’horreur.
Officiellement, Nosferatu est donc bien une adaptation non autorisée du roman de Bram Stoker car non seulement la trame générale de Dracula a été conservée, mais le studio n’avait pas non plus acquis les droits pour pouvoir adapter l’histoire du plus célèbre vampire des Carpates. Malgré ce « mauvais départ » qui lui a valu une part de sa renommée, ce film reste aujourd’hui encore un incontournable lorsqu’on s’intéresse au cinéma en général et aux films de vampires en particulier.
Bien qu’il adapte Dracula, le film ne suit pas le roman à la lettre et bien qu’il en respecte la trame générale, il introduit des éléments qui ont marqué le mythe au point que l’on croie souvent qu’ils sont présents dans le roman alors qu’ils n’y figurent pas ! Par exemple, l’une des scènes que l’inconscient collectif associe à Dracula est celle où le Comte tombe sur un portrait de Mina, la fiancée de Jonathan Harker tout en discutant avec lui. Cette scène a beau être enracinée dans les esprits, elle ne se trouve nulle part dans le roman et est une création propre à Nosferatu. Elle sera reprise plus tard notamment par Francis Ford Coppola dans son Dracula (1992), qui ira encore plus loin en brodant une histoire d’amour qui défie le temps entre Dracula et Mina, qui ne sera autre que l’incarnation présente de sa bien-aimée disparue des siècles auparavant dans des circonstances tragiques.
De la même manière, l’idée selon laquelle la lumière du jour serait fatale aux vampires trouve aussi son origine dans ce film car dans Dracula (le roman), le Comte se déplace la journée sans difficulté majeure. Pourtant, ce motif est très présent dans les esprits aujourd’hui lorsqu’on pense à Dracula, et on le retrouve d’ailleurs dans certaines adaptations du roman (dans le film avec Frank Langella, par exemple) !
Comme on peut le voir à la lumière de ces éléments, Nosferatu commence à tracer les contours des films de vampires. À cela s’ajoutent un Max Schreck qui incarne un vampire terrifiant et plus vrai que nature (son ombre projetée sur le mur vous hantera longtemps !), des décors somptueux et une manière de filmer qui suscite en le spectateur de vives émotions, tant devant la beauté et l’immensité des paysages que dans l’atmosphère singulière et angoissante qui le fera douter de ce qu’il voit, et l’on obtient un petit bijou de l’expressionnisme allemand !
Le saviez-vous ?
Max Schreck incarnait un Comte Orlok/Dracula si réaliste et si crédible que la légende selon laquelle il était un vrai vampire se répandit ! Le film Shadow of the Vampire (2000), avec Willem Dafoe dans le rôle de Max Schreck, revient sur cette histoire fascinante. Je ne l’ai pas encore vu, mais je suis très curieuse de le découvrir dès que j’en aurai l’occasion !
Si vous avez vu Nosferatu, qu’en pensez-vous ? Max Schreck : vampire ou humain ? L’amatrice de folklore en moi a envie d’y croire…
Nosferatu, fantôme de la nuit, Werner Herzog (1979)
Titre original : Nosferatu, Phantom der Nacht.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
Wismar (Allemagne), début du XXe siècle. Tandis que son épouse Lucie (Isabelle Adjani) est en proie à d’étranges cauchemars, Jonathan Harker (Bruno Ganz) est envoyé par son employeur Renfield (Roland Topor) en mission dans les Carpates où il doit conclure la vente d’une propriété avec le Comte Dracula.
Après avoir confié Lucy à leurs amis, Jonathan se met en route et traverse l’Europe. Arrivé à proximité du château Dracula, il s’arrête dans une auberge où les villageois le mettent en garde et lui disent de ne pas aller plus loin. Il ne trouve d’ailleurs non plus personne pour l’emmener au château ou l’en rapprocher. Contraint de partir à pied, il parcourt un long périple à travers des paysages variés et somptueux, avant qu’une voiture tirée par des chevaux vienne le chercher et le conduise chez le Comte.
Arrivé au château, il est accueilli par l’étrange et inquiétant mais néanmoins très poli Dracula (Klaus Kinski). Après avoir dîné sous les yeux de celui-ci, Harker se retire dans sa chambre. À son réveil, il se sent fatigué et constate qu’il a des marques sur le cou.
Il conclut toutefois la vente avec Dracula qui s’empresse de signer les documents après avoir vu un portrait de Lucy. Un peu plus tard, alors que, poussé par la curiosité et le malaise qu’il ressent, il explore les lieux, Harker découvre l’horrible réalité de la nature de Dracula et comprend qu’il est son prisonnier.
Dracula prépare rapidement son départ, aidé par les Bohémiens qui lui servent d’hommes de main à qui il fait remplir des caisses de terre. Reposant dans l’une d’elles, le Comte laisse Jonathan à son sort et se met en route pour Wismar.
Pourquoi je le recommande
À travers son Nosferatu, dans lequel le Comte reprend d’ailleurs son nom d’origine, Herzog a voulu rendre hommage au film de Murnau, dont il a d’ailleurs conservé le titre. Il y parvient de façon magistrale en réalisant une fresque somptueuse et intense malgré la progression lente de l’intrigue.
Cette intensité tient dans en grande partie à Dracula, qui est dépeint ici comme un être sensible et un personnage tragique et mélancolique qui, dans une certaine mesure, souffre de sa condition mais l’incarne par nature. Il n’en reste pas moins inquiétant, mystérieux et effrayant tant dans son apparence que dans ses manières, et son incarnation par Klaus Kinski le rend encore plus impressionnant, à tel point que son image, sa voix et sa façon de se mouvoir vous hanteront pendant quelque temps !
Mis à part Jonathan Harker que j’ai évoqué dans la présentation de l’intrigue, l’autre personnage central est Lucy, qui est ici son épouse et que convoite Dracula. Dès le départ, ce qu’il advient d’elle est préfiguré par la manière dont elle est mise en scène, habillée et éclairée. Il est intéressant de remarquer à quel point le personnage auquel Isabelle Adjani prête ses traits semble hors du monde, comme si elle évoluait dans une dimension parallèle, aussi bien dans ses attitudes que dans son apparence, notamment à des moments-clés de l’intrigue (par exemple, ceci est particulièrement visible lors de la « fête » sur la place du marché), comme si son sort était déjà scellé et qu’elle l’acceptait.
Si Nosferatu est remarquable par la prestation des acteurs, il l’est aussi sur le plan visuel. Vous aimez les films de vampires à l’esthétique délicate et raffinée ? Vous apprécierez certainement celui-ci ! Non seulement les décors sont magnifiques et authentiques, tels des tableaux et des cartes postales qui contribuent à créer l’atmosphère contemplative si particulière qui caractérise cette œuvre, mais chaque image est minutieusement travaillée, composée avec soin. Rien n’est laissé au hasard, si bien que les décors et les paysages deviennent à leur tour de véritables personnages que l’on ne peut ignorer. Par exemple, le périple pédestre de Jonathan pour se rendre chez Dracula lorsqu’il parcourt les derniers kilomètres qui le séparent du château revêt des aspects de voyage initiatique : Harker rencontre tous les types de reliefs présents dans ces contrées, traversant ainsi des plaines, longeant des rivières, descendant dans des gorges et remontant à la surface. Cet enchaînement représente symboliquement la descente et le séjour dans l’obscurité dont le futur initié sort ensuite en remontant à la surface, renaissant ainsi dans la lumière, profondément changé par l’expérience qu’il vient de vivre. Par conséquent, on peut voir dans cet épisode le passage de Jonathan dans l’Autre Monde car il traverse la frontière naturelle entre le monde humain (le sien) et celui de Dracula. Quant à savoir s’il en reviendra indemne, il vous faudra regarder le film pour avoir la réponse !
À tout ceci s’ajoute une dose d’humour et d’ironie qui contraste avec le ton contemplatif, dramatique et tragique de l’ensemble tout en accentuant l’horreur de la situation. De là découle une surprise de taille à la fin du récit qui ne manquera pas de vous dérouter. Si vous parvenez à l’anticiper, toutes mes félicitations !
Dracula : l’incontournable
Lorsqu’on parle de vampires, Dracula est le premier qui vient à l’esprit. Issu du roman éponyme de Bram Stoker publié en 1897, le Comte Dracula reste encore aujourd’hui le plus célèbre des vampires, si bien que dès que l’on prononce son nom, tout le monde sait à qui l’on a affaire !
D’ailleurs, on ne compte plus le nombre de films (et de séries) dans lequel il apparaît tant il y en a ! Ici, je me suis concentrée sur des films qui s’inspirent (parfois très librement) tantôt du roman, tantôt de la pièce, mais aussi de la nouvelle Dracula’s Guest, que j’ai évoquée plus haut.
Dracula, Tod Browning (1931)
Titre original : Dracula.
Pour quel public ? Tous publics.
Synopsis
Renfield (Dwight Frye) se rend en Transylvanie chez le Comte Dracula (Béla Lugosi), auprès duquel il est chargé de conclure la vente d’une propriété en Angleterre car le Comte souhaite y déménager. Tandis qu’il approche de sa destination, un passager de la diligence évoque la dangerosité de la région en raison de l’existence de vampires. Lorsqu’il arrive à l’auberge, les locaux le mettent vivement en garde car la nuit qui arrive est la terrible Nuit de Walpurgis, celle où les vampires errent librement à la recherche de proies pour se nourrir.
Ne croyant pas à ces histoires qu’il balaie d’un revers de la main, Renfield insiste pour continuer son chemin. Arrivé au col de Borgo, la diligence le dépose en vitesse et s’en va rapidement. Quelques instants plus tard, une autre diligence arrive, envoyée par le Comte, pour le transporter jusqu’au château.
Une fois au château, il rencontre l’étrange et charismatique Comte Dracula, qui se révèle énigmatique et impressionnant malgré ses bonnes manières et sa grande courtoisie. Le titre de propriété de l’Abbaye de Carfax est rapidement signé et Dracula annonce à Renfield son désir de partir pour l’Angleterre dès le lendemain.
Durant la nuit, Renfield, hypnotisé plus tôt par l’aristocrate des Carpates, reçoit la visite des trois femmes de Dracula mais ce dernier intervient et les chasse. Il se penche alors sur Renfield et le mord, le soumettant ainsi à son pouvoir. Devenu l’auxiliaire du vampire, il perd la raison.
Après s’être nourri des passagers du Vesta qui l’a transporté, accompagné de Renfield, en Angleterre vers sa nouvelle demeure, Dracula arrive à bon port et s’installe à l’Abbaye de Carfax tandis que Renfield est interné dans l’asile dirigé par le Docteur Seward (Herbert Bunston).
Peu après son arrivée, Dracula se rend à l’opéra où il fait la connaissance du Docteur Seward, qui est aussi son nouveau voisin. Celui-ci lui présente sa fille Mina (Helen Chandler), le fiancé de cette dernière Jonathan Harker (David Manners), et Lucy (Frances Dade), une amie de la famille.
Dès lors, Dracula s’intéresse de près aux deux jeunes femmes et fait de Lucy sa première proie. Lorsque celle-ci décède, le Professeur Van Helsing (Edward Van Sloan), qui travaille avec le Docteur Seward, découvre qu’ils ont affaire à un vampire. Lorsque Mina est mordue par Dracula, Seward, Van Helsing et Harker mettent tout en œuvre pour tenter de la sauver de l’emprise du Comte.
Pourquoi je le recommande
Ce film est la première adaptation cinématographique autorisée de l’œuvre de Bram Stoker. Lorsque Murnau réalisa son Nosferatu qui fut ensuite interdit pour des raisons juridiques, Carl Laemmle Jr. s’intéressa de près au roman et y vit un fort potentiel. Il décida donc d’en produire la première « vraie » adaptation. Universal fit l’acquisition des droits d’adaptation du roman et de la pièce de théâtre écrite en 1924 par Hamilton Deane et révisée en 1927 par John L. Balderston, qui était alors la seule adaptation autorisée du roman, et le film put être finalisé.
Ainsi, on trouve dans ce Dracula des éléments qui appartiennent tantôt au roman, tantôt à la pièce… mais pas que ! En effet, les références à la Nuit de Walpurgis sont empruntées à la nouvelle de Bram Stoker Dracula’s Guest (voir plus haut), et les scénaristes ont aussi étudié de près la version non autorisée de Murnau et s’en sont inspirés en en reprenant certaines idées. C’est ainsi, par exemple, que Renfield se coupe le doigt avec un trombone et offre à Dracula la vue de son doigt ensanglanté. On voit à travers ces éléments qu’un soin tout particulier a été accordé à l’écriture du scénario dans le but de donner vie à un Dracula qui soit fidèle aux trois sources qu’on lui connaissait à l’époque.
Ce film est donc la première adaptation officielle de Dracula au cinéma. Comme si cela ne suffisait pas, il est aussi le premier film d’horreur parlant !
D’ailleurs, le passage du muet au parlant se ressent ici de plusieurs manières. Tout d’abord, on remarque que malgré quelques plans en extérieur que l’on trouve surtout au début du film pendant le périple de Renfield pour rejoindre le château de Dracula, l’ensemble est tourné en intérieur, sans doute afin d’avoir un meilleur contrôle sur les bruits parasites qui pourraient compromettre la capture des dialogues. De la même façon, excepté à l’occasion de la scène à l’opéra et des génériques de début et de fin, on constate l’absence totale de musique. Voilà qui évitait de superposer les dialogues et la musique et assurait une meilleure qualité auditive des dialogues. En effet, les techniques de prise de son étaient encore nouvelles et l’on craignait des défaillances à ce niveau.
Ceci est également visible dans le jeu très théâtral des acteurs. Certains d’entre eux, comme Béla Lugosi (Dracula) et Edward Van Sloan (Van Helsing) avaient déjà tenu les mêmes rôles au théâtre où ils jouaient ensemble. Pourtant, ici, le manque de confiance en les nouvelles techniques influence fortement non seulement le jeu de l’ensemble des acteurs qui est plus lent et plus accentué par moments, mais aussi la manière de filmer, que ce soit dans la composition des plans ou la manière de positionner la caméra. Il en résulte un rythme particulier qui place ce film au croisement du cinéma muet, du théâtre, et du cinéma parlant.
Par ailleurs, le Dracula de Tod Browning constitue une pierre angulaire à la fois dans la représentation du Comte au cinéma et dans la construction des codes des films de vampires. En effet, en jouant Dracula pour la première fois dans une adaptation cinématographique autorisée, Béla Lugosi a pour ainsi dire créé le rôle en donnant au plus célèbre des vampires les principaux traits qui le caractérisent. De la stature impressionnante à l’attitude froide, distante mais néanmoins chaleureuse, en passant par le jeu des mains ou encore le regard perçant et hypnotique, Béla Lugosi a donné vie à Dracula à l’écran, et tous ceux qui lui ont succédé dans ce rôle se sont appuyés sur son travail et lui ont rendu hommage dans leur incarnation du Comte des Carpates. Par conséquent, lorsqu’on évoque Dracula aujourd’hui, l’inconscient collectif appelle l’image de Béla Lugosi dans le film de 1931, y compris dans l’esprit de personnes qui ne l’ont pas vu.
Au-delà de la création du personnage de Dracula au cinéma, ce film marque aussi la construction des codes des films de vampires, bien que certains d’entre eux aient été esquissés par Murnau dans son Nosferatu quelques années plus tôt. C’est par exemple chez Tod Browning que l’on a pour la première fois au cinéma un vampire enveloppé dans une cape, qui se change en chauve-souris ou en loup, qui hypnotise ou soumet à sa volonté par l’esprit en usant de son regard perçant ou de gestes de la main caractéristiques. De même, il observe ses futures victimes par la fenêtre avant d’entrer dans leur chambre, toujours par la fenêtre, pour les mordre.
De plus, c’est aussi la première fois que l’on montre au cinéma comment reconnaître et éliminer un vampire. Ainsi, on constate l’effet répulsif qu’une plante bien précise (wolfsbane, ici, c’est-à-dire de l’aconit, et non de l’ail) produit lorsqu’elle est mise en présence d’un vampire, ou encore que Dracula n’a pas de reflet dans un miroir. Enfin, l’utilisation du pieu, que l’on doit planter dans le cœur d’un vampire pour en venir à bout, est montrée ici pour la première fois bien qu’elle ait lieu hors caméra.
J’ose à peine imaginer l’effet que ce film a dû produire sur les spectateurs de l’époque, qui n’avaient jamais vu de telles images au cinéma auparavant et qui, pour la plupart, ne devaient pas penser qu’il était possible de les fabriquer ! Si l’on est émerveillé aujourd’hui en regardant ce Dracula avec l’incomparable Béla Lugosi (je le suis à chaque fois, en tout cas !), imaginez l’horreur et l’effroi que devait ressentir le public des années 30 !
Dracula, Christopher Lee, et la Hammer
Pour quel public ? Interdits aux moins de 12 ans.
Une série de films insolite
Voilà un cas un peu particulier : entre 1958 et 1974, la maison de production anglaise Hammer produit pas moins de neuf films mettant en scène les aventures parfois surprenantes du comte Dracula, incarné par l’inoubliable Christopher Lee. Plus exactement, le nom du célèbre vampire apparaît dans les titres de huit des neuf films, et Christopher Lee est présent dans sept films de la série. Si vous aimez les films de vampires divertissants au point d’aller parfois jusqu’à l’autoparodie (mais toujours avec style !), je vous recommande vivement de jeter un œil aux productions de la Hammer ! Les voici par ordre chronologique de sortie :
- Dracula ou Le Cauchemar de Dracula (Dracula, or Horror of Dracula), Terence Fisher, 1958.
- Les Maîtresses de Dracula (The Brides of Dracula), Terence Fisher, 1960.
- Dracula, Prince des Ténèbres (Dracula: Prince of Darkness), Terence Fisher, 1966.
- Dracula et les Femmes (Dracula Has Risen from the Grave), Freddie Francis, 1968.
- Une Messe pour Dracula (Taste the Blood of Dracula), Peter Sasdy, 1970.
- Les Cicatrices de Dracula (Scars of Dracula), Roy Ward Baker, 1970.
- Dracula 73 (Dracula A.D. 72), Alan Gibson, 1972.
- Dracula vit toujours à Londres (The Satanic Rites of Dracula), Alan Gibson, 1973.
- La Légende des sept vampires d’or (The Legend of the 7 Golden Vampires), Roy Ward Baker, 1974.
Pourquoi je recommande ces films
Si vous aimez les films de vampires à l’esthétique léchée, qui déploient une atmosphère gothique à souhait et arborent de belles couleurs, ceux-ci devraient combler vos attentes. Les décors y sont magnifiques, mystérieux et inquiétants, à l’image du comte Dracula.
En revanche, si vous êtes à la recherche d’adaptations fidèles au roman de Bram Stoker, vous ne les trouverez pas ici. Seul le premier film, Dracula (ou Le Cauchemar de Dracula) est librement inspiré du roman. En effet, si l’on reconnaît les grandes lignes de l’intrigue originale, l’ensemble a été largement remanié pour se concentrer sur la lutte contre le mal absolu que représente Dracula. Ici, il est surtout dépeint comme une sorte de bête féroce et terrifiante pour laquelle on ne ressent pas une once d’empathie ou de sympathie. Cet aspect est d’ailleurs mis en valeur dans l’écriture-même du rôle. L’unique vraie scène de dialogue du Comte a lieu au moment de sa rencontre avec Jonathan Harker. Dans le reste du film, il n’est que peu présent et ne prononce que quelques mots, ce qui accentue encore davantage son statut de créature déshumanisée et assoiffée de sang. À ce propos, on note également que dans Dracula, Prince des Ténèbres, il ne parle pas du tout (il n’émet que des cris de bête) et apparaît encore moins longtemps, uniquement dans des scènes où sa férocité est mise en avant.
Il est particulièrement intéressant de noter que cette série de films est en grande partie à l’origine de l’image du vampire que l’on trouve au cinéma encore aujourd’hui. En effet, question vampires, il y a un avant et un après Hammer. Saviez-vous, par exemple, que Christopher Lee est le premier Dracula à arborer de belles canines proéminentes ? Que la sensualité exacerbée exprimée par les vampires et leur aspect séducteur ont aussi été forgés par la Hammer ? Bien sûr, ces éléments sont présents dans le roman, mais ils n’avaient pas encore été portés à l’écran de manière aussi littérale et affirmée. En cela, la Hammer change la manière de faire des films d’horreur et ose montrer des images que l’on n’avait pas vues jusqu’alors.
En outre, cette série de films va encore plus loin dans la construction des codes qui définiront désormais les films de vampires. Ainsi, certains motifs et scènes deviennent si emblématiques et incontournables que tout amateur de vampires s’attend à les y retrouver. Par exemple, chacun des films où Dracula apparaît se termine par sa « mort », qui survient toujours de façon spectaculaire et explore les différentes manières de venir à bout d’un vampire. De même, la résurrection du Comte est une scène marquante dans tous les films où il est présent (sauf le premier pour des raisons évidentes). À chaque fois, l’histoire commence par le « retour à la vie » de Dracula, qui se fait immanquablement de façon aussi surprenante qu’inattendue.
Ces éléments introduits par la Hammer ont fait les codes du film de vampires et sont devenus des points de repères que l’on retrouvera ensuite dans de nombreuses œuvres cinématographiques. Cependant, la Hammer va encore plus loin en les utilisant aussi à des fins humoristiques pour les déconstruire ! Ainsi, les multiples résurrections de Dracula rivalisent de créativité et d’insolite tant elles sont tirées par les cheveux, et ses « morts » constituent un véritable catalogue des multiples façons de se débarrasser d’un vampire. Le tout est présenté avec une certaine légèreté et une autodérision assumée, si bien qu’une fois les codes posés, on se retrouve devant des films d’horreur qui se moquent d’eux-mêmes. On remarquera d’ailleurs que bien souvent, les films d’horreur que l’on fait aujourd’hui intègrent des traits d’humour (souvent noir et ironique) relatifs aux situations vécues par les personnages, qui ne manquent pas de provoquer un rire ou un sourire chez les spectateurs !
Les Dracula produits par la Hammer restent encore aujourd’hui des références en matière de films de vampires, et ils occupent une place particulière dans le cœur des amateurs du genre. Si vous aimez les traits d’humour, les films à l’atmosphère marquée, un Dracula impressionnant et charismatique, et le duo Christopher Lee/Peter Cushing (ce dernier incarne Abraham Van Helsing et apparaît dans cinq des neuf films), alors vous passerez un bon moment en leur compagnie !
Dracula, John Badham (1979)
Titre original : Dracula.
Pour quel public ? Tous publics.
Synopsis
Whitby, Yorkshire (Angleterre), 1913. Tandis qu’il vogue vers l’Angleterre, le Déméter voit son équipage massacré par un mystérieux monstre qu’il transporte à son bord. Le navire atteint néanmoins la côte et s’échoue à Whitby un soir d’orage. Près du lieu du naufrage se trouve la demeure du Docteur Seward (Donald Pleasance) et de sa fille Lucy (Kate Nelligan). Mina Van Helsing (Jan Francis), la meilleure amie de Lucy qui séjourne chez eux, se réveille, mystérieusement attirée à l’extérieur. Sur la plage, elle trouve le Comte Dracula (Frank Langella) et le sauve.
Quelque temps plus tard, Dracula, qui s’est installé à l’Abbaye de Carfax, rend visite au Docteur Seward afin de se présenter et d’instaurer de bonnes relations de voisinage. Il est prié de rester pour le dîner et fait la connaissance de Lucy, Mina, ainsi que de Jonathan Harker (Trevor Eve). Bien que le Comte se montre extrêmement poli et courtois et charme l’ensemble des convives lors de la soirée, seul Harker reste sur la réserve car il n’apprécie guère l’intérêt à peine dissimulé que porte le nouveau venu à sa fiancée Lucy.
Plus tard dans la nuit, Dracula rend visite à Mina dans sa chambre et se nourrit de son sang. Le lendemain au réveil, Lucy trouve Mina en train d’étouffer dans son lit pour finalement mourir sous ses yeux. Bien que l’on constate deux trous dans son cou, la cause du décès demeure mystérieuse.
C’est alors que le Docteur Seward décide de faire venir le Professeur Van Helsing (Laurence Olivier), le père de Mina, en espérant qu’il pourra identifier les causes de la mort de la jeune femme. Expert en occultisme, Van Helsing suspecte une morsure de vampire.
Une fois le mal identifié, il entreprend de libérer Mina de son terrible sort. Accompagné de Seward, il se rend dans la crypte où repose sa fille afin de la libérer de sa condition de non-morte. Devant l’horreur de ce qu’ils découvrent, ils sont contraints de prendre une terrible décision.
Pendant ce temps, Lucy honore l’invitation à dîner de Dracula et se rend seule à l’Abbaye de Carfax pour passer la soirée en sa charmante mais néanmoins dangereuse compagnie. Le Comte la séduit et Lucy répond à ses avances.
Dès lors, la jeune femme commence à changer et Seward et Van Helsing, aidés de Jonathan Harker, entreprennent de la libérer de l’emprise de Dracula pour lui sauver la vie.
Pourquoi je le recommande
Bien qu’elle soit elle aussi une adaptation de la pièce de Hamilton Deane et John L. Balderston, cette version de Dracula est bien différente de celle présentée dans le film de 1931, tout en lui faisant écho. On peut penser qu’il était risqué pour Frank Langella de se glisser dans la cape de Dracula après Béla Lugosi qui avait créé le rôle au cinéma dans la première adaptation de cette même pièce de théâtre, le marquant ainsi de son empreinte indélébile. Pourtant, Frank Langella, qui connaît déjà bien le rôle pour l’avoir lui aussi interprété au théâtre pendant plus de trois ans, s’en sort avec brio, et son interprétation du vampire des Carpates est unique tout en rendant hommage à son illustre prédécesseur.
En mettant en avant la dimension sensuelle voire érotique du personnage, Langella recrée Dracula de manière à ce qu’il ne ressemble à aucune autre de ses incarnations. Sous ses traits, Dracula est celui qui, grâce à sa nature non humaine, libère les désirs féminins inhibés qui avec lui peuvent s’exprimer sans retenue, à la manière de Lucy qui s’abandonne à lui.
Si Langella se distingue de Béla Lugosi dans son interprétation, il lui rend néanmoins hommage à travers certaines attitudes caractéristiques qu’il lui emprunte sans toutefois les reproduire à l’identique. Par exemple, si vous regardez les deux versions de Dracula, vous remarquerez que les deux acteurs adoptent une gestuelle particulière au niveau des mains afin de matérialiser les moments où Dracula déploie son emprise mentale sur quelqu’un. Langella souhaitait inclure ce type de geste à la fois pour conserver cet aspect du personnage et pour rendre hommage à Béla Lugosi.
On remarque également que le Dracula de Frank Langella conserve un trait de personnalité essentiel du Dracula du roman. Sous ses airs charmant et extrêmement poli, c’est aussi un redoutable manipulateur qui parvient à contraindre les gens et à les soumettre à faire ce qu’il veut tout en douceur, avec subtilité et une grande courtoisie. C’est ce qu’il fait par exemple à plusieurs reprises avec Jonathan Harker lorsque celui-ci séjourne dans son château des Carpates, et c’est aussi ce qu’il fait dans le film, toujours avec Jonathan Harker, lorsqu’il l’envoie récupérer ses caisses le soir du dîner où il souhaite être seul avec Lucy. Voilà qui fait du Dracula de Langella un personnage tout aussi effrayant que ces autres incarnations, mais de manière plus insidieuse cette fois.
Si vous avez envie de découvrir un Dracula séducteur plus subtil que la bête féroce sous les traits de laquelle on le dépeint souvent, celui-ci devrait vous plaire. Non seulement l’interprétation de Frank Langella est très intéressante car toute en nuances, mais l’atmosphère est elle aussi très travaillée. Les décors sont magnifiques, et l’intérieur de l’Abbaye de Carfax où réside Dracula est gothique à souhait, avec là encore juste ce qu’il faut pour se distinguer de la version de 1931 tout en lui rendant hommage. Si vous aimez Dracula, n’hésitez pas à découvrir cette version !
Dracula, Francis Ford Coppola (1992)
Titre original : Bram Stoker’s Dracula.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
Londres, 1897. Fiancé à Mina Murray (Winona Ryder) qu’il doit épouser sous peu, Jonathan Harker (Keanu Reeves) est clerc de notaire. Son patron lui confie la mission de se rendre en Transylvanie pour conclure la vente d’une grande propriété londonienne avec le Comte Dracula (Gary Oldman), ce qui retarde les préparatifs de mariage.
Jonathan traverse alors l’Europe pour aller à la rencontre de Dracula. Arrivé à proximité du château, les passagers de la diligence dans laquelle il voyage le mettent en garde et lui déconseillent fortement de poursuivre sa route, et une femme lui passe même un crucifix autour du cou. Il descend tout de même au Col de Borgo, où une étrange voiture tirée par des chevaux vient le récupérer pour l’emmener chez Dracula.
Arrivé au château, il est accueilli par son étrange hôte aux manières polies mais au comportement et aux habitudes fort singuliers. Durant son séjour, Harker converse avec un Dracula ravi d’avoir un peu de compagnie. Il en apprend ainsi un peu sur l’histoire du Comte et son désir de s’installer à Londres. En parallèle, Jonathan explore le château et découvre, horrifié, certains des secrets les plus sombres et les plus inavouables de son hôte. Cependant, en bon professionnel, il parvient au fil de leurs conversations à lui faire signer les documents qui le rendent propriétaire de l’Abbaye de Carfax. À ce moment-là, Dracula découvre un portrait de Mina et se rend compte qu’elle ressemble à s’y méprendre à Elisabeta, son grand amour à la perte duquel il a renié sa foi et damné son âme, devenant ainsi un vampire.
Impatient de retrouver en Mina celle qu’il aime plus que tout, Dracula décide de préparer son départ sans tarder et de partir au plus vite. Lorsqu’il est prêt, il quitte son château en laissant Jonathan à un sort peu enviable.
Pourquoi je le recommande
Wow. Gary Oldman. Wow.
Je pourrais m’arrêter là car ces quelques mots reflètent bien ce que je ressens à chaque visionnage. Il faut dire que cette adaptation de Dracula m’émeut profondément et m’impressionne toujours autant ! Toutefois, je vais essayer de formuler mes pensées de façon plus objective afin de mettre en lumière ce qui fait de ce film l’une des plus intenses versions du mythe du Comte des Carpates.
Le Dracula de Coppola (dont le titre complet est Bram Stoker’s Dracula) est l’adaptation la plus fidèle à ce jour du roman de Bram Stoker, paru en 1897. Ne vous attendez pas toutefois à une adaptation à la lettre qui reprendrait chaque épisode relaté dans le roman. Une telle chose serait difficilement réalisable en raison de la forme particulière du roman et de sa structure. En effet, Dracula est un roman épistolaire composé de lettres et d’extraits de journaux (intimes, de bord, d’information) qui permettent de reconstituer les événements dont il est question. Si cette forme de narration fonctionne parfaitement à l’écrit, la restituer à l’écran est un exercice périlleux… dont Coppola s’est toutefois acquitté avec brio ! Ainsi, il a parfois réorganisé l’ordre des épisodes, quitte à chambouler la temporalité des intrigues. De même, il a effectué des changements considérables par rapport au roman en ajoutant des épisodes et en remaniant largement quelques événements afin d’expliciter certaines inspirations de Bram Stoker. Pourtant, cela ne gêne en rien la fluidité de la narration à l’écran, bien au contraire. De plus, compte tenu de la densité du roman, vouloir à tout prix tout intégrer tel quel à une adaptation cinématographique n’aurait pas été judicieux, à moins bien sûr de pouvoir faire un film beaucoup plus long ou en plusieurs parties. Ici, le récit est bien construit, les choix sont cohérents par rapport à la ligne que s’est fixée le réalisateur et l’ensemble ne fait pas insulte au roman gothique écrit par Bram Stoker. Au contraire, les entorses faites au matériau d’origine s’y intègrent naturellement et servent de lien avec le reste. Tout cela pour dire que si vous cherchez une bonne adaptation du roman, vous pouvez vous jeter sur ce Dracula !
Lorsqu’on évoque Dracula, on s’attend à une atmosphère magique et empreinte de mystère, dont les lois défient celles de la nature… et c’est exactement ce que l’on trouve ici ! Non seulement le personnage de Dracula, incarné magistralement par Gary Oldman, semble appartenir à un autre monde tant il est énigmatique et étrange dans tous les aspects de sa personne, mais la nature lui obéit car il la commande, ce qui lui permet de diffuser sa présence partout où il le souhaite. Voilà qui en fait un personnage à la fois magnétique, fascinant, et terrifiant.
Pour ajouter encore davantage à l’horreur véhiculée par Dracula, Coppola a choisi de le montrer sous toutes ses formes et de mettre en valeur l’aspect polymorphe du vampire. Ainsi, il apparaît tantôt sous les traits d’un frêle mais inquiétant vieillard, tantôt sous ceux d’un bel homme charismatique dans la force de l’âge. À d’autres moments, il est un corps en décomposition enveloppé d’un cocon dans lequel il se régénère. Lorsqu’il a besoin de se déplacer en toute discrétion, il peut choisir l’invisibilité aux yeux de ceux dont il ne veut pas être vu, ou prendre la forme d’une brume, d’un brouillard, d’une fumée ou d’une tempête. De la même manière, les loups lui obéissent et il peut lui-même en devenir une version monstrueuse. Il a également la capacité de se déplacer comme un lézard le long des murs, de prendre l’apparence d’une chauve-souris parfaitement hideuse, ou celle d’une légion de rats.
Malgré cela, Dracula est aussi dépeint comme un amoureux maudit, ce qui en fait un personnage romantique, du moins dans la vision qu’en propose Coppola. De l’évocation de la mort d’Elisabeta, l’amour de sa vie, à la relation qu’il tisse avec Mina, cet aspect du film est particulièrement intense et prend aux tripes. Si l’on ne peut s’empêcher d’avoir peur de Dracula et de le trouver terrifiant, il est impossible de ne pas ressentir pour lui une profonde empathie qui nous le rend aimable (au sens littéral), irrésistiblement attirant et extrêmement émouvant (si vous le regardez, préparez-vous à verser quelques larmes !). Voilà qui fait de ce Dracula l’une des plus belles histoires d’amour contées au cinéma, si ce n’est la plus belle !
Enfin, outre les aspects que je viens d’évoquer, les somptueux décors parés de leurs couleurs chatoyantes renforcent l’émerveillement du spectateur et achèvent de donner à cette œuvre son identité gothique. Cette esthétique éblouissante contribue à installer une atmosphère à la fois sombre et féerique qui ne manquera pas de vous envoûter et qui vous hantera bien après le générique de fin !
Vampires littéraires
Si Dracula est le vampire littéraire le plus connu, il est loin d’être le seul de son espèce à hanter la littérature, pas plus qu’il n’est le premier. D’autres l’ont précédé, comme par exemple Carmilla (Sheridan Le Fanu, 1872), La Fiancée de Corinthe (Die Braut von Korinth, Johann Wolfgang von Goethe, 1797) ou La Morte amoureuse (Théophile Gautier, 1836), et d’autres encore lui ont succédé, chez des auteurs tels que Anne Rice, Stephen King, et bien d’autres.
Depuis bien longtemps, les vampires fascinent, tant dans la littérature qu’au cinéma. C’est pourquoi j’ai choisi de mettre en relief ici trois films de vampires qui sont des adaptations d’œuvres littéraires.
Vampyr, ou l’étrange aventure de David Gray, Carl Theodor Dreyer (1932)
Titre original : Vampyr, Der Traum des Allan Grey.
Pour quel public ? Déconseillé aux moins de 12 ans.
Synopsis
Allan (ou David, selon les versions) Gray est un jeune homme fasciné par l’occultisme à tel point qu’il a parfois tendance à ne plus faire la différence entre le monde tangible dans lequel il vit et ce qu’il trouve dans ses recherches. Un soir, il arrive dans une auberge située près du village de Courtempierre (France) et décide d’y passer la nuit. Alors qu’il s’était endormi, il est réveillé par un homme âgé qui rentre dans sa chambre en disant « Elle ne doit pas mourir » et dépose un paquet rectangulaire sur lequel on le voit écrire « À ouvrir après ma mort ».
Motivé par l’envie de comprendre la scène qu’il vient de vivre, Allan prend le paquet et quitte l’auberge. Une fois dehors, il suit l’ombre d’un soldat à la jambe de bois et chemin faisant, il est témoin d’étranges visions, dont une mystérieuse et inquiétante vieille femme.
Il finit par arriver à un manoir et, en regardant par la fenêtre, il voit le vieil homme qui s’est introduit dans sa chambre. Celui-ci se fait tirer dessus par l’ombre du soldat à la jambe de bois et meurt. Horrifié, Allan Gray va chercher un domestique et tous deux se rendent auprès du maître des lieux mais arrivent trop tard. Allan découvre que le défunt a deux filles, Gisèle et Léone, et que cette dernière, malade, est clouée au lit. Tandis que l’on envoie quelqu’un chercher la police, Allan est invité à rester sur place pour la nuit.
Dans la bibliothèque, Allan ouvre le paquet que lui a laissé le défunt et se rend compte que celui-ci contient un livre. En le lisant, il découvre qu’il s’agit d’un traité sur les vampires. Il apprend ainsi ce que sont ces créatures, comment elles fonctionnent et comment les vaincre. Un peu plus tard, on apprendra également grâce à ce même traité que les vampires ont des auxiliaires qui les aident dans leurs macabres entreprises et que par le passé, une certaine Marguerite Chopin aurait sévi à Courtempierre en répandant une épidémie de vampirisme.
Entretemps, Allan Gray assiste à nouveau à d’étranges événements et comprend que le mystérieux mal dont souffre Léone pourrait bien avoir un lien avec ce qui est consigné dans le livre que lui a donné le père de celle-ci. Dès lors, il va tenter de venir à bout du vampire qui a fait de Léonie sa proie afin de sauver la vie de la jeune fille.
Pourquoi je le recommande
Inspiré des romans courts Carmilla (qui influença Bram Stoker dans l’écriture de son Dracula) et The Room in the Dragon Volant (La Chambre de l’auberge, en français) de l’écrivain irlandais Sheridan Le Fanu originellement publiés en 1872 dans le recueil In a Glass Darkly, Vampyr est un film très particulier à bien des égards. Par exemple, si vous êtes amateurs d’atmosphères oniriques et déroutantes où l’on se laisse porter par un récit sans toutefois avoir toujours la certitude de tout comprendre au fur et à mesure, alors Vampyr devrait vous plaire.
Les étranges aventures d’Allan Gray sont racontées sur un ton très littéraire qui rend hommage au matériau d’origine. Enveloppées d’une aura de mystère aussi épaisse que le brouillard qui embrume les environs de Courtempierre et fait douter le héros de ce qu’il voit, elles se révèlent à la fois complexes, effrayantes et envoûtantes. Mieux encore, pendant toute la durée du film, le spectateur doute sans cesse de ce qu’il voit et ne parvient pas toujours à faire la différence entre la part de réalité et la part de rêve (ou plutôt de cauchemar) dans ce qui lui est montré, à la manière d’Allan Gray dont on nous dit dans le prologue qu’il est passionné d’occultisme au point d’en arriver parfois à confondre ce qu’il apprend dans ses recherches avec le monde réel. Or, ici, les éléments de folklore que le héros rencontre et étudie dans ses livres passent la frontière du légendaire pour pénétrer dans le monde réel, ce qui sème la confusion en lui et, par la même occasion, chez le spectateur ! On évolue ainsi dans une atmosphère onirique qui oscille sans cesse entre rêve et réalité, entre émerveillement et visions cauchemardesques, si bien qu’il devient impossible de savoir avec certitude où l’on se situe.
La singularité de Vampyr réside également dans son identité visuelle, qui contribue largement à en faire un conte fantastique et onirique. En effet, il s’agit de l’un des tous premiers films d’horreur parlants, le premier étant le Dracula de Tod Browning en 1931. À cette époque, la culture du cinéma muet était encore très présente à l’esprit des spectateurs et la transition vers le cinéma parlant s’est faite progressivement. Non seulement les spectateurs devaient s’habituer à voir les films adopter une dynamique différente, mais les réalisateurs et les studios de production devaient encore perfectionner les techniques de prise de son, ce qui n’était pas une mince affaire. C’est pourquoi on testait continuellement de nouvelles techniques, sans toutefois avoir toujours entièrement confiance en ces dernières. Ainsi, un certain nombre de films, dont Vampyr, ont combiné les techniques narratives du muet et du parlant, ce qui a donné des œuvres hybrides où l’on parlait peu mais où l’on continuait d’utiliser les mêmes panneaux narratifs que dans le muet.
Si à l’époque ces méthodes et les résultats à l’écran étaient très modernes, aujourd’hui elles ont un charme inimitable qui leur confère une tonalité féerique et magique en raison de leur décalage par rapport au cinéma que l’on regarde de nos jours. Si vous aimez le cinéma muet et les films appartenant à la période de transition vers le cinéma parlant, vous allez apprécier Vampyr car en plus d’être une œuvre envoûtante, ce film a également une valeur de document historique en tant que témoin d’une époque et d’une période importante dans l’histoire du cinéma.
Les Vampires de Salem, Tobe Hooper (1979)
Titre original : Salem’s Lot.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
Après de longues années d’absence, l’écrivain Ben Mears (David Soul) revient à Salem’s Lot, petite ville du Maine où il a grandi, dans le but d’écrire un livre sur la Maison Marsten dont il pense qu’elle est maléfique par essence et qu’elle attire les personnes qui le sont aussi. En effet, celle-ci a une histoire funeste en raison d’événements impliquant l’homme qui la fit construire et qui était lui-même le mal incarné. À son arrivée à Salem’s Lot, Ben souhaite louer la Maison Marsten pour être au plus près de la source qu’il exploite dans son nouveau livre, mais il apprend que celle-ci vient d’être vendue à un certain Kurt Barlow (Reggie Nalder), lui aussi nouvel arrivant dans la petite ville. Ce dernier n’ayant pas encore investi sa nouvelle demeure, c’est son associé, l’énigmatique Richard Straker (James Mason), qui s’occupe des lieux tout en préparant l’ouverture prochaine de leur boutique d’antiquités.
Ben loge finalement dans une petite maison d’hôtes et tombe amoureux de Susan Norton (Bonnie Bedelia), la fille du médecin, lequel devient rapidement son ami. Il renoue également avec Jason Burke (Lew Ayres), son ancien professeur, qui se souvient de lui et est ravi de le retrouver. Les deux hommes se lient d’amitié et lors de leurs discussions, on en apprend peu à peu davantage sur l’histoire de la Maison Marsten et sur ce qui la lie à Ben.
Pendant ce temps, tandis que deux hommes sont chargés d’aller récupérer des caisses à leur arrivée à Portland pour les déposer dans la cave de la Maison Marsten (ils ont d’ailleurs pour consigne de bien verrouiller la porte de ladite cave une fois la livraison effectuée !), des événements étranges commencent à se produire. Tandis qu’ils rentrent chez eux par les bois après être allés chez leur camarade de classe et ami Mark Petrie (Lance Kerwin), les frères Glick font une mystérieuse rencontre et Ralph (Ronnie Scribner), le plus jeune des deux, disparaît.
La multiplication d’événements et de morts étranges attire l’attention de Ben, qui pense toujours que le mal qui semble contaminer la ville n’est pas sans lien avec la Maison Marsten et son énigmatique occupant, que personne n’a encore jamais vu. Aidé de ses amis le Docteur Norton (le père de Susan, interprété par Ed Flanders) et Jason Burke, il comprend peu à peu la terrible nature du mal qui se répand à Salem’s Lot.
Pourquoi je le recommande
Si vous voulez une bonne adaptation d’un roman de Stephen King, ne cherchez plus : celle-ci, par Tobe Hooper (à qui l’on doit notamment quelques années plus tôt Massacre à la tronçonneuse et, un peu plus tard, Poltergeist), compte parmi les meilleures et vous ravira de bien des manières ! Cette mini-série en deux films retranscrit à merveille l’atmosphère si particulière qui règne dans les romans de Stephen King et en restitue les motifs importants avec une grande fidélité. Ainsi, on retrouve ici le personnage de l’écrivain, récurrent chez King (pensez par exemple à Misery, The Dark Half, The Shining, It, etc.), le thème de la petite ville (de préférence fictive et située dans le Maine) qui fonctionne en vase clos et qui voit son apparente tranquillité troublée par la venue de nouveaux arrivants, un danger que l’on sait présent mais qui demeure impalpable et non identifié pendant une bonne partie du récit, une atmosphère pesante et angoissante sans que l’on sache exactement pourquoi, etc.
Si les principaux ingrédients qui font l’identité de l’univers de Stephen King sont présents, cette adaptation fait aussi la part belle à sa source d’inspiration la plus évidente ici : Dracula (encore lui !). Dans ses romans, King fait souvent des clins d’œil à ses sources d’inspiration, qu’elles soient musicales ou littéraires. Par exemple, dans Fairy Tale (paru en 2022) où il s’inspire de H.P. Lovecraft pour construire son récit et l’atmosphère épaisse qui l’imprègne, il emprunte à l’auteur américain le mot eldritch, que ce dernier avait largement remis au goût du jour dans ses œuvres.
Dans la mini-série Salem’s Lot, on trouve un certain nombre d’éléments qui mettent en lumière les liens entre le récit imaginé par Stephen King et Dracula. Mieux encore, les spectateurs les plus observateurs se rendront compte que Salem’s Lot prend des airs de réécriture du roman de Bram Stoker. On en retrouve tout d’abord les principaux thèmes, comme par exemple celui du mystérieux étranger venu d’un autre pays qui achète une propriété voisine des lieux de résidence des personnages principaux (Dracula/Barlow), ou le transport des caisses de Barlow par la route lors d’un trajet mouvementé qui rappelle l’arrivée à Whitby de Dracula à bord du Déméter pour ne citer que ceux-là (je ne veux pas vous gâcher le plaisir de regarder cette adaptation !). De la même manière, il est possible de voir dans les personnages principaux des parallèles saisissants avec certains des personnages présents dans Dracula. Ainsi, Richard Straker peut être assimilé à Renfield, Kurt Barlow à Dracula, Ben Mears à Jonathan Harker, Susan à Mina, le Docteur Norton au Docteur Seward, et Jason Burke au Professeur Van Helsing. Là encore, je ne vous en dis pas plus à ce sujet pour vous épargner de grandes révélations au cas où vous n’auriez pas encore vu ce petit bijou !
Si les influences de Stephen King sont visibles dans cette adaptation de Tobe Hooper, il est très intéressant de remarquer à quel point cette mini-série a marqué les esprits. Si vous demandez à des personnes qui l’ont vue de vous en parler, celles-ci évoqueront très certainement les mêmes scènes : celles qui vous feront comprendre l’importance de garder vos fenêtres fermées et de n’ouvrir sous aucun prétexte à quiconque viendrait y frapper ou y gratter (rien qu’en y pensant, j’en ai des frissons !), et une autre scène où l’apparition surprise d’un personnage clef ne manquera pas de vous faire sursauter.
Mieux encore, quelques années plus tard en 1985, Fright Night (Vampire, vous avez dit vampire ?, voir plus bas) multiplie les références à cette adaptation de Salem’s Lot. On y voit un premier clin d’œil dès l’affiche, où la disposition des éléments est similaire, mais aussi à travers le motif du nouveau voisin qui reste mystérieux pendant un moment, ou encore dans l’apparence des vampires qui peuvent être particulièrement répugnants.
Enfin, la gestion de la peur et de l’horreur est particulièrement réussie dans Salem’s Lot. La tension constante qui fait l’atmosphère de la mini-série est due non pas à la profusion de « monstres », mais au contraire au fait qu’on ne les voit que très peu. Cette économie d’images horrifiques contribue à rendre l’ensemble encore plus effrayant car le peu de scènes où les vampires sont présents gagnent en impact, et la frayeur qu’elles provoquent en le spectateur n’en est que plus intense encore. Pendant les deux épisodes, on est sur le qui-vive, se demandant à quel moment un vampire va surgir, ce qui nous maintient dans un état de tension constante.
Salem’s Lot vous plaira si vous aimez l’univers de Stephen King, les réécritures de Dracula, les atmosphères tendues et les menaces invisibles. Vous devriez aussi apprécier cette mini-série si vous avez un faible pour les vampires particulièrement effrayants (le chef des vampires vous laissera un souvenir impérissable !) et si sursauter devant un écran ou passer plusieurs soirées (ou une très longue soirée) en compagnie des mêmes personnages fait partie de vos passe-temps favoris !
Entretien avec un vampire, Neil Jordan (1994)
Titre original : Interview with the Vampire.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
À notre époque, dans une chambre d’hôtel à San Francisco, le journaliste Daniel Malloy (Christian Slater) s’apprête à s’entretenir avec son étrange hôte, Louis (Brad Pitt), qui affirme être un vampire. Bien sûr, Malloy ne le croit pas… jusqu’à ce que son interlocuteur lui démontre le contraire en faisant preuve d’une rapidité hors du commun. Sa curiosité attisée, le journaliste déclenche son magnétophone pour recueillir l’histoire de ce mystérieux personnage.
Le récit commence à La Nouvelle-Orléans en 1791. Louis, propriétaire terrien, souffre du récent décès en couches de son épouse. Ayant perdu de goût de vivre, le jeune homme mène une existence dangereuse et autodestructrice qui finit par le mener à une mauvaise rencontre qui le laissera aux portes de la mort. C’est là qu’intervient Lestat (Tom Cruise), un vampire qui l’observait depuis un moment, et qui profite de l’occasion pour lui proposer d’en faire un vampire. Louis accepte sans toutefois avoir conscience de ce qu’implique son nouvel état.
Lestat apprend à Louis les rudiments de la « vie » de vampire mais contrairement à lui qui se montre sans pitié, pervers et sadique envers ses victimes, Louis a gardé son humanité, sa sensibilité et son sens moral, ce qui l’empêche de se nourrir de sang humain… jusqu’à ce qu’il rencontre Claudia (Kirsten Dunst), une fillette restée auprès du cadavre de sa mère décédée de la peste. Comprenant la douleur de l’enfant, Louis la prend dans ses bras pour la consoler et ne peut s’empêcher de la mordre. Lestat, qui a assisté à la scène à l’insu de Louis, fait de Claudia une vampiresse dans le but de retenir Louis auprès de lui.
Les deux vampires élèvent alors celle qu’ils ont tous les deux créée. Si Claudia prend vite goût à sa nouvelle condition et s’en accommode parfaitement, jusqu’à ce qu’elle réalise le drame d’être emprisonnée dans un corps d’enfant pour l’éternité. Ce moment charnière va faire basculer l’existence des trois vampires, et Louis et Claudia partent à destination du Vieux Monde pour trouver leurs semblables. À Paris, ils font la rencontre du mystérieux et charismatique Armand (Antonio Banderas)…
Pourquoi je le recommande
Entretien avec un vampire est l’adaptation du roman éponyme d’Anne Rice paru en 1976. Ne l’ayant pas encore lu, je m’abstiendrai d’établir toute comparaison entre le film et le livre et me contenterai de commenter certains des aspects du film qui en font un objet intéressant.
D’un point de vue esthétique, Entretien avec un vampire plaira aux amateurs si vous aimez les décors somptueux, les couleurs chatoyantes et les atmosphères sombres et gothiques. De plus, les vampires y sont magnétiques, fascinants, élégants, séduisants et charismatiques, ce qui ne gâche rien et contribue à immerger le spectateur dans ce monde si particulier.
Toutefois, ne vous attendez pas à trouver là vos vampires habituels, que la vue d’un crucifix repousse ou qu’un pieu élimine s’il est planté comme il se doit ! De même, l’eau bénite ne vous sera ici d’aucune utilité, pas plus que l’ail ne vous protégera. Comble du comble, ces vampires-ci peuvent même contempler leur propre reflet dans un miroir, ce qui les rend plus difficile à détecter pour les humains. On s’éloigne donc de l’image des héritiers de Dracula et à l’époque de la sortie d’Entretien avec un vampire (d’abord du roman puis, presque vingt ans plus tard, du film), ce type de vampires était une nouveauté car Anne Rice avait créé sa version du mythe, ce qui lui a permis de présenter des personnages différents de ceux que l’on avait alors l’habitude de voir.
Si ces codes remaniés injectent du sang neuf aux récits vampiriques, la portée philosophique de l’histoire racontée par Louis et les questions existentielles qu’elle soulève le font tout autant. En effet, chaque vampire que l’on y rencontre a son propre caractère et appréhende sa condition de manière différente en fonction de son parcours. Ainsi, on assiste à la « naissance » de Louis en tant que vampire, qui fait suite à un enchaînement de comportements autodestructeurs qui se sont installés après le décès de son épouse et de son enfant. Tout au long du récit, Louis garde sa sensibilité et sa profonde humanité qui, selon lui, sont incompatibles avec sa nouvelle nature de vampire : par exemple, il ne peut se résoudre à se nourrir de sang humain et rejette l’idée que cet acte bestial et barbare soit essentiel à sa subsistance. Pire encore pour un vampire, il fait preuve d’empathie envers les humains, ce qui rend encore plus difficile l’acceptation de sa nouvelle condition. D’ailleurs, la conscience morale de Louis occupe une place centrale au sein de son récit…
… au grand dam de Lestat, qui lui ne s’embarrasse au contraire d’aucun remords à l’idée de s’attaquer à des humains pour subsister ! Le « créateur » de Louis (en tant que vampire) se montre en effet pervers, sadique, cynique, cruel, et prend plaisir à jouer avec ses victimes comme un chat le ferait avec ses proies avant de les dévorer. Si Louis est resté très humain, Lestat a pleinement embrassé sa nature et y trouve un certain amusement. Par conséquent, il ne comprend pas la bataille intérieure qui sévit en Louis et se moque régulièrement de lui pour ce qu’il considère être de la faiblesse et des pleurnicheries.
Quant à Claudia, elle incarne l’aspect tragique de la figure du vampire. Créée par Louis et Lestat alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, elle est condamnée à rester dans ce corps juvénile pour l’éternité. Si elle est au départ un petit vampire féroce qui se sert de son apparente innocence pour amadouer ses proies, son état d’esprit change lorsqu’elle réalise que son corps est sa prison et qu’elle ne peut rien changer à son apparence de poupée. Si elle ne change pas physiquement, elle évolue en effet intérieurement et devient peu à peu une adulte, avec tout ce que cela comporte en termes d’envies et de besoins. Elle tombe amoureuse de Louis à qui elle voue un amour sincère et profond mais comprenant qu’elle ne grandira jamais, elle exprime toute l’intensité de sa souffrance dans une scène impressionnante où elle laisse éclater sa colère envers Lestat, qu’elle tient pour responsable de son état. En revoyant cette scène pour les besoins de cet article près de vingt ans après mon dernier visionnage d’Entretien avec un vampire, je ne m’attendais pas à être émue aux larmes, mais l’émotion dégagée par le personnage et le jeu d’actrice époustouflant de la jeune Kirsten Dunst (âgée de 12 ans lors de la sortie du film) m’ont cueillie.
Enfin, Armand est charismatique, entouré d’une aura de mystère et, bien qu’il évolue au sein d’une communauté de vampires, il demeure un solitaire qui ne nourrit pas les mêmes aspirations que ses congénères parisiens. Las de leur compagnie et de l’image qu’ils donnent des vampires, il cherche davantage de profondeur dans son existence et aimerait pouvoir partager son savoir avec quelqu’un qui, comme lui, serait avide de connaissance.
À la lumière de ces portraits, aucun des principaux vampires que l’on rencontre dans le récit de Louis ne mène une existence enviable. Chacun est victime de sa condition et en est conscient à des degrés différents, sauf Lestat qui s’accommode fort bien de sa nature de créature sanguinaire de la nuit. Cependant, si Louis, Claudia et Armand sont humanisés, ce n’est pas le cas de Lestat qui ne fait preuve d’aucune empathie envers les autres (vampires ou non) et est présenté comme un tyran d’une rare cruauté.
À ce propos, il est important de garder à l’esprit que l’on ne voit ces personnages qu’à travers le récit de Louis. Il présente ainsi son point de vue, qui reflète la façon dont il appréhende les choses et dont l’objectivité peut être remise en question. Ceci est d’ailleurs mis en relief par le ton et la structure de la narration, qui restent très littéraires, accentuant le caractère autobiographique du récit et l’aspect conte qu’il revêt parfois.
Pour finir, je ne peux m’empêcher de mentionner la mémorable scène de fin, qui m’avait marquée à l’époque car elle implique l’une de mes chansons préférées. De façon ironique, le film se termine sur « Sympathy for the Devil » des Rolling Stones, dont on découvrait alors la reprise par les Guns n’ Roses. Je n’en dirai pas plus sur cette fameuse scène au cas où vous ne l’auriez pas vue, mais en plus de toutes ses autres qualités, Entretien avec un vampire vaut le coup d’œil aussi pour le plaisir de découvrir cette reprise dans le contexte pour lequel elle a été pensée !
Vampires pour rire
Si les vampires sont des créatures effrayantes, ils peuvent aussi faire rire. Il existe en effet un certain nombre de comédies impliquant ces monstres assoiffés de sang, et chacune adopte un angle d’approche différent pour faire ressortir ce qui peut prêter à sourire dans le vaste univers vampirique.
Je vous propose de découvrir ici quatre comédies horrifiques qui abordent le sujet chacune de manière singulière. Chacune, pour des raisons différentes, vaut le coup d’œil !
Le Bal des vampires, Roman Polanski (1967)
Titre original : The Fearless Vampire Killers, or Pardon Me, But Your Teeth Are in My Neck.
Pour quel public ? Tous publics.
Synopsis
XIXe siècle. Accompagné de son fidèle assistant Alfred (Roman Polanski), le fantasque Professeur Abronsius (Jack MacGowran) sillonne la Transylvanie à la recherche de vampires. En effet, il croit dur comme fer en leur existence et aimerait en prouver la réalité dans le but d’être enfin pris au sérieux par ses pairs.
Après avoir voyagé un certain temps dans le froid glacial de l’hiver transylvanien, Alfred et le Professeur arrivent dans une auberge où le chercheur ne tarde pas à remarquer les nombreuses guirlandes d’ail accrochées sur les murs, qu’il identifie comme des signes de la présence de vampires dans les environs. Alfred, quant à lui, est bien plus intéressé par le décolleté de la jeune et jolie serveuse et ne remarque même pas l’enthousiasme de son compagnon de voyage.
Tandis qu’ils font escale à l’auberge, Alfred s’éprend de Sarah (Sharon Tate), la charmante fille de l’aubergiste, dont le passe-temps favori est de prendre des bains dans la salle-de-bains attenante à la chambre des deux chasseurs de vampires. Pendant leur séjour, on découvre également la vie nocturne de l’auberge et l’on comprend que Yoine Shagal (Alfie Bass), l’aubergiste et père de Sarah, fait constamment des avances à la jeune serveuse qui travaille pour lui.
Un soir, tandis qu’Alfred regarde Sarah prendre son bain par le trou de la serrure, celle-ci se fait enlever par ce qui ressemble à s’y méprendre à un vampire. Il en avertit le Professeur Abronsius, qui confirme ses craintes. Ils préviennent Shagal et celui-ci part dans la nuit, armé d’un simple bouquet d’ail, à la recherche de sa fille. Le lendemain matin, on trouve son corps gelé près de l’auberge et en l’examinant, le Professeur Abronsius constate des traces de morsure au cou, aux poignets, aux jambes et à l’abdomen.
À la nuit tombée, Shagal, désormais vampire, tente une fois encore de faire des avances à sa jeune serveuse, toujours en vain. Lorsqu’il quitte l’auberge pour se rendre au château qui se trouve non loin, le Professeur Abronsius et Alfred décident de le suivre, l’un toujours obnubilé par son désir de prouver l’existence des vampires, l’autre motivé par sa volonté de sauver Sarah.
Arrivés au château, ils sont accueillis par l’étrange Comte von Krolock (Ferdy Mayne), le propriétaire des lieux. Celui-ci leur offre l’hospitalité.
Pourquoi je le recommande
Le Bal des vampires est l’un des premiers films de vampires que j’ai vus, et c’est aussi celui qui m’a montré que si les vampires étaient effrayants, on pouvait aussi en rire. Depuis, je ne les ai plus perçus de la même manière !
En effet, Le Bal des vampires est une parodie de films de vampires plutôt efficace, qui s’attache à en reprendre tous les codes habituels pour tantôt les détourner, tantôt les pousser à l’extrême de façon à en faire ressortir l’absurdité. Ici, tout est sujet à rire. L’atmosphère, tout d’abord, tour à tour gothique à outrance ou exagérée dans l’omniprésence des guirlandes d’ail à l’auberge. On en arrive d’ailleurs à se demander comment les personnages arrivent à respirer entourés de cette grande concentration d’ail qui incommoderait n’importe quel humain !
Les personnages sont également des caricatures de leurs rôles respectifs. Par exemple, le Professeur Abronsius est une représentation archétypale du vieux sage suffisamment instruit pour reconnaître et combattre un vampire, mais il se montre aussi tête en l’air et tellement fasciné par son sujet d’étude qu’il en vient à se mettre en danger tant il veut s’en approcher pour l’examiner sous toutes les coutures. Il tente toutefois de détruire ces créatures, mais il vous faudra regarder le film pour savoir s’il y parvient ! Son jeune assistant, Alfred, est certes intéressé par les vampires sans quoi il n’assisterait pas le Professeur Abronsius, mais il est surtout beaucoup plus intéressé par les charmes féminins ! Si Abronsius s’extasie de la présence d’ail à l’auberge, lui est hypnotisé par le décolleté de la serveuse (en hommage aux films de la Hammer !). De la même façon, il tombe amoureux de Sarah lorsqu’il la surprend dans la salle-de-bains le premier soir et n’aura désormais plus qu’une envie : la revoir. S’il est plein de bonne volonté dans sa mission d’assister le Professeur Abronsius, il est aussi surtout assez nigaud, empoté et gauche, ce qui vaudra au duo de se retrouver dans des situations peu enviables !
Vous pensez que les vampires sont plus efficaces ? Ne vous y trompez pas ! Ils sont certes fidèles à leur réputation, charismatiques et entourés d’une aura de mystère (le Comte von Krolock est un clin d’œil à Christopher Lee), mais certains de leurs traits de caractère et attitudes ne manqueront pas de vous surprendre !
Côté atmosphère, on a aussi affaire à quelque chose de très travaillé. Dès le départ, le spectateur est plongé dans des décors gothiques et un univers aux couleurs chatoyantes qui renforcent l’aspect fantastique du récit. L’auberge est typique de ce que l’on trouve habituellement dans ce genre de films, les extérieurs apparaissent comme étant sauvages, dangereux et habités de créatures féroces, et le château du Comte von Krolock est exactement ce à quoi on s’attend lorsqu’on pense « château de vampires ».
Si vous cherchez un film de vampires qui vous fera rire et vous montrera tous les travers des personnages archétypaux et des situations que l’on peut y trouver, Le Bal des vampires devrait vous plaire ! Enfin, aborder les vampires sous un angle humoristique peut être intéressant pour dédramatiser ces créatures terrifiantes. Ce film pourra donc aussi vous convenir si vous regardez peu de films de vampires par crainte d’en avoir peur !
Vampire, vous avez dit vampire ?, Tom Holland (1985)
Titre original : Fright Night.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
Que feriez-vous si vous vous aperceviez que votre nouveau voisin est un vampire ? C’est l’épineuse question à laquelle va être confronté Charley Brewster, un lycéen habitant un quartier tranquille de banlieue quelque part aux États-Unis !
Charley est un lycéen comme les autres. Il vit avec sa mère dans une jolie maison d’un quartier tranquille de banlieue, il a une petite amie (Amy), un meilleur ami (Ed, qu’il surnomme « Evil Ed »), et il se passionne bien plus pour le cinéma d’horreur que pour la trigonométrie. D’ailleurs, son émission télévisée préférée est « Fright Night », présentée par Peter Vincent, ancien acteur de films d’horreur reconnu pour son personnage de tueur de vampires. Un soir, alors qu’il passe un moment avec Amy tout en regardant « Fright Night », il remarque une activité suspecte dans la maison d’en face. Curieux, il laisse Amy en plan et va à la fenêtre de sa chambre observer de plus près l’arrivée d’un cercueil. Il n’en faut pas plus à Charley pour être convaincu que son nouveau voisin est un vampire !
Une fois Amy partie, il se renseigne auprès de sa mère qui lui dit que la maison d’en face doit accueillir un nouvel habitant, ce qui le conforte dans ses suppositions. De plus, on apprend au journal télévisé qu’un meurtre étrange a été commis près de là. Dans les jours qui suivent, d’autres meurtres sont commis, dont un dont Charley est témoin en regardant par la fenêtre de sa chambre pendant la nuit.
Il essaie alors d’alerter autour de lui, mais personne ne le croit. Pourtant, Charley a raison et vient de s’attirer les foudres d’un ennemi en apparence beaucoup plus fort que lui !
Pourquoi je le recommande
Si Fright Night adopte le ton de l’humour et de la comédie pour nous raconter une histoire de vampires, il n’en reste pas moins un vrai film d’horreur. En effet, les déboires de Charley n’ont rien à envier aux grands classiques des films de vampires ! Mieux encore, Fright Night en utilise le rythme et les codes, qu’il déconstruit pour les transposer dans la vie d’un lycéen moyen qui n’a rien de particulièrement héroïque. La magie fonctionne et l’on peut aisément s’imaginer à la place de Charley, pour lequel on nourrit une empathie constante tout au long du film.
Outre son aspect amusant et divertissant, Fright Night montre une grande tendresse et une profonde affection pour les films de vampires classiques en particulier et le cinéma d’horreur en général. Si Charley en est un passionné, nul doute que le réalisateur l’est aussi ! Nombreux y sont les clins d’œil plus ou moins discrets à d’autres films de vampires qui ont marqué le cinéma. Par exemple, Jerry Dandrige, le voisin vampire de Charley, est inspiré du Dracula incarné par Frank Langella en 1979, tant physiquement que dans son comportement. De la même manière, les plus attentifs remarqueront l’omniprésence dans le décor d’éléments directement liés à des Dracula qui ont marqué le cinéma : l’intérieur de la maison de Jerry Dandrige ressemble énormément à celle du Dracula de Béla Lugosi, on trouve chez Peter Vincent un masque du Nosferatu de Werner Herzog ainsi qu’une affiche montrant Béla Lugosi, on voit quelques images de Christopher Lee en Dracula dans l’émission « Fright Night » regardée par Charley, etc.
Par ailleurs, les amateurs de films d’horreur remarqueront que le personnage de Peter Vincent, qui présente l’émission préférée de Charley, porte le nom de deux légendes du cinéma horrifique : Peter Cushing et Vincent Price. Si ni l’un ni l’autre n’a incarné de vampire, tous deux ont eu affaire à eux à de multiples reprises. D’ailleurs, Peter Cushing a incarné de nombreux chasseurs de vampires, dont le plus célèbre reste Van Helsing, l’ennemi juré de Dracula (Christopher Lee). Or, dans Fright Night, c’est exactement le type de rôle pour lequel Peter Vincent a été connu en tant qu’acteur ! Devenu présentateur d’une émission regardée par une poignée de couche-tard, le personnage de Peter Vincent est aussi un hommage aux acteurs tels que Béla Lugosi et Boris Karloff, légendes des grands classiques du cinéma d’horreur, qui n’ont pas vraiment eu leur chance dans d’autres genres en raison notamment du mépris avec lequel les regardait le reste de la profession. Ils sont alors restés cantonnés à des rôles similaires jusqu’à en ressentir une profonde lassitude. Si l’on retrouve ce type de trajectoire à travers Peter Vincent, d’autres films, tels que Gremlins 2 : La Nouvelle Génération (1990) et Ed Wood (1994), ont également mis en lumière ces parcours. Le premier le fait grâce au personnage de Grand-père Fred, qui présente le même type d’émission que Peter Vincent, tandis que le film de Tim Burton rend un vibrant hommage à Béla Lugosi (si vous aimez Béla Lugosi et que vous regardez Ed Wood, munissez-vous de mouchoirs !).
Si vous aimez les films de vampires en particulier et le cinéma d’horreur en général, vous devriez passer un bon moment devant Fright Night. Une chose est sûre : il n’est pas devenu un classique sans raison !
Abigail, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (2024)
Titre original : Abigail.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
Plusieurs individus à l’honnêteté à géométrie variable sont chargés par un mystérieux commanditaire d’une mission qui ne présente en apparence pas de difficulté particulière : ils ne se connaissent pas mais ont été recrutés pour leurs compétences complémentaires dans le but d’enlever Abigail, la fille d’un riche et puissant malfrat, qu’ils doivent garder prisonnière et surveiller pendant toute une nuit dans un mystérieux manoir. En échange, ils recevront un paiement de 50 millions de dollars à partager.
Seulement voilà : tout ne se passe pas comme prévu, et ce qui devait être une mission facile s’avère plus dangereuse que ce à quoi ils s’attendaient car très vite, ils se rendent compte qu’un de leurs complices manque à l’appel…
Pourquoi je le recommande
Qui a dit que faire du baby-sitting était l’occasion de passer une soirée tranquille ? Les enfants peuvent être de véritables petits monstres et si vous en doutez encore, Abigail finira de vous en convaincre !
Cette comédie horrifique est un petit bijou d’humour noir et d’ironie dramatique. L’atmosphère y est tendue, le manoir prend des airs de maison hantée et piégée, et les situations sont emblématiques des films d’horreur en général et des films de vampires en particulier tout en en revisitant les codes avec une certaine ingéniosité. Abigail est un film divertissant et amusant devant lequel on passe un bon moment, tout en savourant un film d’horreur sanguinolant. D’ailleurs, les morts y sont plutôt astucieuses et les spectateurs les plus observateurs remarqueront qu’elles sont souvent en lien avec l’identité des personnages.
Si vous aimez les films où l’exagération constitue l’un des rouages de la comédie tout en accentuant les moments de tension, vous apprécierez sûrement Abigail. De plus, certains personnages sont suffisamment sympathiques malgré tous leurs défauts pour que l’on s’attache à eux. Cette empathie renforce l’inquiétude que l’on ressent pour eux lorsqu’ils sont à l’écran dans ce huis clos qui nous tient en haleine du début à la fin. D’ailleurs, à propos de la fin : arriverez-vous à la deviner ? Si c’est le cas, félicitations… et bienvenue au club !
Enfin, Abigail est un remake partiel du classique des studios Universal La Fille de Dracula (Dracula’s Daughter, Lambert Hillyer, 1936). Voilà un prétexte de plus pour réviser vos classiques… si tant est qu’il vous en fallait un !
Renfield, Chris McKay (2023)
Titre original : Renfield.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
Au début du XXe siècle, Renfield (Nicholas Hoult) rend visite au Comte Dracula (Nicolas Cage) dans le but de sceller une transaction immobilière mais il finit par devenir le serviteur dévoué de son hôte qui lui offre la vie éternelle et des capacités physiques hors du commun lorsqu’il mange des insectes.
Plusieurs décennies plus tard, Renfield et Dracula sont obligés de fuir les Carpathes et s’installent à la Nouvelle-Orléans. Considérablement affaibli, Dracula doit reprendre du poil de la bête et ordonne à Renfield de lui apporter de quoi se nourrir, mais Renfield est las de sa situation car il n’a plus envie de chasser pour son maître, d’autant que celui-ci n’a de cesse d’être sur son dos et de le tyranniser.
Renfield commence une double vie lorsqu’il s’inscrit à un groupe de parole dont le but est d’aider les participants à se libérer des relations toxiques dans lesquelles ils sont engagés. Il trouve là des oreilles compatissantes et un précieux soutien dans sa quête d’indépendance. Par ricochet, il trouve de la nourriture pour Dracula en le compagnon abusif de l’une des membres du groupe, ce qui lui donne l’idée de nourrir son maître de criminels car à ses yeux ils ne comptent pas beaucoup et il a moins de scrupules à les sacrifier. Malheureusement pour lui, il est dérangé par un tueur engagé par la plus redoutable famille de truands et de mafieux de la ville.
Tandis que Dracula lui intime de lui fournir davantage de nourriture afin qu’il retrouve toute sa force, Renfield se met à dos la famille de truands et leur gang. Il doit alors se battre pour sa propre survie, mais aussi pour celle des humains auxquels il s’est attaché depuis son installation à la Nouvelle-Orléans.
Pourquoi je le recommande
Renfield se distingue des films de vampires habituels en bien des points, ce qui le rend unique en son genre. Tout d’abord, il marque par son originalité dans son approche de la relation qui lie Renfield à Dracula en y apportant une lecture résolument moderne et amusante. Et si cette relation était toxique ? C’est en tout cas ainsi que la vit Renfield au XXIe siècle, et il est bien décidé à ne plus rester dans cette mécanique d’abus et de codépendance ! Voir ce personnage sur lequel on s’attarde habituellement peu devenir le héros et s’évertuer à rompre le cercle vicieux dans lequel il est empêtré est plutôt satisfaisant, et le voir être confronté à la vie « normale » des humains de notre époque, avec tout ce que cela comporte, suscite l’empathie du spectateur. Qui aurait pensé que le serviteur de Dracula irait dans un groupe de parole pour se confier sur les brimades que lui fait subir son maître ?
De même, si l’on a l’habitude de voir Dracula dans toute sa puissance et sa majesté, ce n’est pas l’image que l’on en trouve ici puisque dans une grande partie du film, il n’est que l’ombre de lui-même, considérablement affaibli, et dépend de Renfield qui doit chasser pour lui afin de le nourrir pour qu’il reprenne des forces. Ce contre-pied est intéressant car le renversement des rôles accentue l’humour avec lequel est traitée la situation générale. Il permet aussi de jouer sur l’aspect autoritaire de Dracula, qui a davantage l’habitude de contrôler la situation que de dépendre des circonstances et des personnes qui l’entourent. Il perd ainsi de sa superbe et apparaît comme quelqu’un de capricieux car il n’est pas en position de force.
Si j’ai apprécié Renfield en tant que comédie, j’ai aussi été touchée par l’hommage qu’il rend aux classiques en général et à Béla Lugosi en particulier. En effet, lorsque la rencontre entre Dracula et Renfield est évoquée au début du film, elle est présentée de manière originale puisque l’on retrouve Nicolas Cage (qui joue ici un excellent Dracula !) incrusté dans le film de Tod Browning de 1931, où il remplace Béla Lugosi, reproduit ses gestes et reprend ses lignes de dialogue à l’identique. Ces quelques minutes en noir et blanc nous transportent dans une parenthèse hors du temps, où deux époques se rencontrent et se saluent. Cet aspect m’a beaucoup émue (et émerveillée) car, vous l’avez sans doute compris à ce stade, j’ai une affection toute particulière pour cette version de Dracula et, plus largement, pour les films de Tod Browning. Par ailleurs, c’est aussi l’occasion pour Nicolas Cage de dévoiler une palette de jeu nuancée et variée en incarnant plusieurs facettes de Dracula. Lui qui rêvait de jouer le rôle du plus célèbre vampire de la littérature, c’est très réussi !
Cependant, Renfield n’est pas seulement une comédie ni un hommage à ceux qui ont créé le rôle de Dracula au cinéma, c’est aussi un vrai film d’action. Si vous aimez les affrontements musclés et les techniques de combat surprenantes, vous serez servis.
L’ensemble offre un agréable moment si l’on est prêt à se laisser porter par l’approche quelque peu décalée mais résolument moderne de la relation entre Renfield et son illustre maître. Ce n’est peut-être pas le film du siècle, mais Renfield surprend par l’atmosphère unique qu’il déploie. Il mérite le coup d’œil si l’on cherche un divertissement mêlant humour et action, le tout saupoudré d’un peu d’émotion.
Les inclassables… mais remarquables !
Voici deux films qui ne rentrent dans aucune case tant ils ne ressemblent à aucun autre. S’ils restent dans la thématique des vampires, ils proposent chacun une vision unique de ces créatures sanguinaires. Si vous aimez être surpris et si vous pensez qu’ils peuvent vous plaire, n’hésitez pas à y jeter un coup d’œil !
La Marque du vampire, Tod Browning (1935)
Titre original : Mark of the Vampire
Pour quel public ? Tous publics.
Synopsis
L’histoire, contemporaine à l’année de sortie du film, se déroule non loin de Prague, dans une contrée rurale où les locaux croient aux vampires. Sir Karell Borotyn (Holmes Herbert) est retrouvé mort dans sa demeure, vidé de son sang et avec des marques de morsures dans le cou. Le médecin qui l’examine en présence du Baron Otto von Zinden (Jean Hersholt), ami du défunt, attribue la mort à un vampire. Leurs soupçons se tournent donc tout naturellement vers le mystérieux Comte Mora (Béla Lugosi) et sa fille Luna (Carroll Borland), dont on raconte qu’ils seraient des vampires qui sortiraient de leurs tombes la nuit pour s’en prendre aux vivants. Cependant, l’inspecteur Neumann (Lionel Atwill), venu de Prague pour mener l’enquête, ne l’entend pas de cette oreille et refuse d’accorder quelque crédit à ce diagnostic.
À peine arrivée chez son père accompagnée de son fiancé Fedor (Henry Wadsworth), Irena Borotyn (Elizabeth Allan) devient rapidement la nouvelle cible du Comte Mora et de Luna. C’est pourquoi on fait appel au Professeur Zelen (Lionel Barrymore), occultiste et spécialiste des vampires, afin de solliciter son expertise pour protéger la jeune femme de ces monstres sanguinaires.
À partir de là, l’enjeu est double puisque non seulement les protagonistes doivent tenter d’éradiquer les deux créatures de la nuit qui ont fait des environs leur terrain de chasse, mais ils doivent aussi résoudre le mystère de la mort de Sir Karell Borotyn, menés par l’inspecteur Neumann qui, malgré les événements, ne croit toujours pas à la thèse de la morsure de vampire.
Pourquoi je le recommande
Tod Browning savait faire des films d’horreur (et pas que !) et encore une fois, il le prouve ici ! Si vous aimez les films gothiques, à l’atmosphère travaillée et féerique, aux personnages charismatiques, aux décors à couper le souffle, et avec une dose de mystère à résoudre, alors La Marque du vampire vous plaira !
Ici, l’ambiance est exactement ce que l’on attend d’un film de vampires. Vous y trouverez : des vampires qui marchent lentement dans un cimetière embrumé à la recherche d’humains à se mettre sous la dent, ces mêmes vampires qui terrorisent par leur simple présence les voyageurs qui ont pris du retard dans leurs déplacements et s’attardent sur la route, toujours ces mêmes vampires vaquant à leurs occupations dans leur somptueux château orné de gigantesques toiles d’araignées et au centre duquel trône un majestueux escalier, encore et toujours le Comte Mora et sa fille Luna terrifier et mordre certains des protagonistes chez Sir Borotyn, se changer en chauve-souris ou entrer/sortir par la fenêtre… Vous l’aurez compris, tout y est, comme si Tod Browning dressait un véritable catalogue des codes des films de vampires !
Compte tenu de la tonalité et de la finalité de La Marque du vampire, cet effet « catalogue » est volontaire de la part du réalisateur car bien que nous ayons affaire à l’un des premiers films de vampires, il se sert des codes qu’il a en partie lui-même fixés dans son Dracula de 1931 et les détourne pour les déconstruire en s’en amusant, ce qui ne manquera pas de faire sourire le spectateur. Par exemple, tout amateur de films de vampires sait (et savait, déjà à l’époque) que ces créatures aiment tout particulièrement s’introduire dans la chambre de leurs proies en passant par une fenêtre. Or, en regardant La Marque du vampire, vous ne pourrez vous empêcher de vous demander pourquoi diable on trouve toujours des fenêtres ouvertes malgré les injonctions du Professeur Zelen à les fermer et l’effroyable danger qui rôde aux alentours !
Par ailleurs, on retrouve avec bonheur Béla Lugosi, qui enfile à nouveau sa cape pour incarner le terrifiant Comte Mora, un vampire plus vrai que nature. Qui de mieux placé que lui, qui créa le rôle de Dracula au cinéma en 1931, pour prendre les traits de celui qui sème la terreur dans les environs de Prague ? Il faut dire que dans l’inconscient collectif, l’image que l’on a de l’archétype du vampire est celle de Béla Lugosi ! Sa présence était donc indispensable dans ce film si particulier où il livre une prestation magistrale sans dire un seul mot (excepté dans les toutes dernières minutes) et fait preuve d’une certaine autodérision.
Tout ceci ferait presqu’oublier que La Marque du vampire est aussi un film policier ! En effet, la trame principale de l’intrigue reste l’enquête menée par l’inspecteur Neumann sur la mort de Sir Karell Borotyn, dont il ne croit pas qu’elle soit due à la morsure d’un vampire. Pourtant, les deux aspects du film (horreur et policier) se fondent parfaitement pour créer une œuvre unique comparable à aucune autre.
Ainsi, la fin ne manquera pas de vous surprendre car elle est impossible à anticiper. Lorsque le générique de fin défilera devant vos yeux ébahis, vous en resterez cois, tant vous aurez du mal à croire ce que vous aurez vu. Si vous avez envie d’être surpris par un film ou si vous pensez ne plus pouvoir être surpris par un film, regardez donc La Marque du vampire, vous allez changer d’avis ! Soyez attentifs, laissez-vous porter par son atmosphère parfaite… et savourez ce petit bijou du cinéma ! (Mais fermez bien vos fenêtres, on ne sait jamais !)
Petite astuce : Au premier visionnage, ce film vous laissera abasourdis et il vous faudra un peu de temps pour vous remettre de la fin. Je vous recommande vivement de le regarder une deuxième fois quelque temps plus tard car lorsque vous connaîtrez le « truc », vous ne l’apprécierez pas de la même manière. En le revoyant, vous aurez l’impression de regarder un autre film et vous vous délecterez de sa grande finesse !
Les Prédateurs, Tony Scott (1983)
Titre original : The Hunger.
Pour quel public ? Interdit aux moins de 12 ans.
Synopsis
De nos jours (années 1980) à New York, Miriam Blaylock (Catherine Deneuve) vit avec son mari John (David Bowie) dans un très bel appartement où tous deux consacrent une grande partie de leur temps à la musique, elle au piano, lui au violoncelle. Cependant, ce beau couple est entouré d’une aura de mystère et l’on comprend rapidement que Miriam est une vampiresse dont la naissance remonte à l’Égypte Antique il y a environ 3000 ans. Régulièrement, elle doit chasser et se nourrir de ses proies qu’elle tue grâce à la petite dague dissimulée dans le pendentif en forme d’Ânkh (la croix de vie égyptienne) qu’elle porte autour de son cou. Il y a 300 ans, Miriam a choisi John pour partager sa vie (ou du moins une partie de celle-ci) et lui a ainsi offert la vie et la jeunesse éternelles.
Toutefois, ce charme ne tient que si Miriam continue d’aimer John car comme tous ceux et celles qu’elle a choisis jusqu’à présent, celui-ci commencera à ressentir les effets du temps qui passe si les sentiments qu’elle éprouve à son égard changent. Or, John commence à constater les premiers signes de l’âge, ce qui provoque en lui une vive angoisse. Il décide alors d’aller voir Sarah Roberts (Susan Sarandon), un médecin qui conduit des recherches sur le vieillissement.
Tandis que John vieillit inéluctablement, Miriam tombe amoureuse de Sarah et entreprend d’en faire sa nouvelle compagne.
Pourquoi je le recommande
Si vous croyez avoir tout vu en matière de films de vampires et pensez ne plus pouvoir être surpris par l’un d’entre eux, regardez donc Les Prédateurs ! Non seulement vous serez happés par le scénario adapté du roman éponyme de Whitley Strieber tant vous serez curieux de voir où va le récit, mais vous serez ravis de découvrir une distribution à laquelle on est loin de s’attendre pour un film d’horreur. En effet, les rôles principaux sont tenus par Catherine Deneuve (Miriam Blaylock), David Bowie (John Blaylock), et Susan Sarandon (Sarah Roberts), qui ne sont pas les premiers noms qui viennent à l’esprit quand on pense au cinéma horrifique. Cela dit, je dois avouer que j’avais toujours rêvé de voir David Bowie dans un rôle de vampire… c’est désormais chose faite, et j’en suis ravie !
D’ailleurs, à propos des acteurs, le moins que l’on puisse dire est que les rôles qui leur ont été attribués leur vont à ravir et que leur jeu est impeccable. David Bowie, qui a appris à jouer du violoncelle pour l’occasion (et cela se voit !), incarne parfaitement John Blaylock : profondément amoureux de Miriam, l’intensité de la douleur qu’il exprime lorsqu’il se rend compte de ce qui lui arrive et du changement dans les sentiments de son épouse brise le cœur du spectateur (si vous vous demandez si j’ai versé une larme, la réponse est « oui » !). De la même manière, Catherine Deneuve est très convaincante dans la peau de Miriam : toujours énigmatique, tantôt prédatrice, tantôt amoureuse, l’une des scènes impliquant le couple qu’elle forme avec son époux m’a, là encore, profondément émue tant elle est intense dans les sentiments qui y sont déployés (oui, j’ai à nouveau versé ma petite larme et non, je ne vous en dirai pas davantage sur cette scène pour ne pas vous gâcher la surprise).
Si vous avez déjà entendu parler de ce film, vous savez sans doute pourquoi il est célèbre. J’y viens. Comme je l’ai mentionné dans la brève présentation de l’intrigue, Miriam se détourne de son mari et entreprend de séduire Sarah Roberts (Susan Sarandon). L’un des moments charnières de l’histoire est justement la scène d’amour entre Miriam et Sarah, illustrée par le Duo des Fleurs issu de l’opéra Lakmé de Léo Delibes et filmée de manière très artistique, avec beaucoup de délicatesse et de tendresse. Si cette scène à l’érotisme assumé a fait couler beaucoup d’encre à l’époque de la sortie du film, elle a attisé la curiosité des spectateurs, contribuant ainsi à forger la réputation de l’œuvre. En outre, c’est grâce à elle que Catherine Deneuve est devenue une icône pour les communautés gay et lesbiennes, ce dont elle ne s’est jamais plainte. Enfin, c’est aussi grâce à elle qu’un large public a redécouvert le Duo des Fleurs et Lakmé, car c’est Miriam qui décide de passer ce morceau lorsqu’elle est en compagnie de Sarah et explique rapidement à cette dernière l’argument de cet opéra.
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que dans Les Prédateurs, la musique tient un rôle tout à fait particulier. En effet, non seulement Miriam et John sont tous deux musiciens et donnent des cours à Alice, qui habite le même quartier, mais le film s’ouvre sur une séquence musicale où l’on retrouve le groupe Bauhaus interprétant leur chanson « Béla Lugosi’s Dead » dans une discothèque. C’est accompagné de ce clin d’œil appuyé au créateur du rôle de Dracula que le spectateur rencontre pour la première fois les Blaylocks à la recherche de nouvelles proies. On les voit alors à l’œuvre, et on a confirmation de ce qu’annonce la chanson : Béla Lugosi est mort, au sens où les Blaylocks sont des vampires d’une nouvelle espèce et relèguent les vampires draculéens tels que ceux incarnés par l’acteur hongrois au passé.
Si la musique que l’on entend à l’extérieur de chez les Blaylocks est contemporaine de l’époque à laquelle ils vivent, celle qu’ils jouent et que l’on entend chez eux appartient exclusivement au répertoire classique et revêt par essence un caractère intemporel. Ainsi, on reconnaîtra notamment Johann Sebastian Bach, Franz Schubert, Édouard Lalo, et bien sûr Léo Delibes. On remarque également que les pièces jouées chez les Blaylocks sont douces et apaisantes, propices à la rêverie et à l’évasion, contribuant ainsi à l’atmosphère si particulière qui règne dans leur vaste appartement.
Situé en plein New York, celui-ci est pourtant imperméable aux bruits extérieurs. Si l’on ajoute à cela les nombreux drapés qui le décorent, le silence qui y règne en dehors des dialogues entre les personnages et de la musique qu’ils jouent, on a rapidement l’impression que les Blaylocks vivent hors du temps et plus encore, qu’ils habitent un mausolée. Les plus observateurs remarqueront aussi la présence d’un certain nombre de statues, représentant pour la plupart des nus féminins figés dans un corps jeune et parfait. Voilà qui renforce l’importance de l’image que l’on renvoie aux autres, qui est l’un des thèmes que l’on retrouve tout au long du film, y compris à travers les polaroïds que prend Alice et qui confrontent John à sa jeunesse qui se fane. Encore une fois, les éléments venus de l’extérieur sont soumis au temps qui passe (les polaroïds sont une technologie moderne et donnent un aperçu du temps qui passe de façon instantanée) tandis que l’appartement offre à ses habitants un cadre sécurisé qui leur permet de rester en dehors des affres du temps, conformément aux effets que produit sur eux leur nature vampirique.
Les Prédateurs est un film hors du commun à l’esthétique travaillée où chaque plan est savamment composé comme s’il s’agissait d’un tableau ou d’une œuvre photographique. Cet aspect artistique poussé ravira les esthètes et les amateurs d’arts visuels en général. Pour autant, cela n’en fait pas un film pour tout le monde : l’atmosphère qui y règne est tout de même singulière et pourrait vous dérouter, même si vous appréciez le cinéma d’horreur en général et les films de vampires en particulier ! Cela dit, si vous avez envie de découvrir quelque chose de différent et d’unique, je vous encourage à vous renseigner plus avant sur ce film et, s’il vous intrigue toujours, à laisser libre cours à votre curiosité et à y jeter un œil ! En ce qui me concerne, je suis ravie de l’avoir vu et j’ai même envie de lire le roman dont il est adapté (je suis de nature curieuse) !
Bien sûr, ce ne sont que quelques suggestions parmi la multitude de films de vampires qui existe. J’ai voulu me concentrer ici sur des films particulièrement remarquables soit parce qu’ils ont marqué leur époque (et l’histoire du cinéma), soit parce qu’ils présentent la figure du vampire de façon singulière. Ainsi, chacun est original de manière différente, ce qui vous permettra sûrement de trouver dans cette liste quelque chose qui suscitera votre intérêt ou, au minimum, qui éveillera votre curiosité. J’ai souhaité émettre dans cet article des propositions variées afin qu’il y en ait pour tous les goûts et pour ouvrir des horizons même aux amateurs de films d’horreur en général et aux amateurs de films de vampires en particulier.
J’aurais beaucoup aimé mettre également en avant deux autres films récents que sont Le Vourdalak (Adrien Beau, 2023) et Nosferatu (Robert Eggers, 2024), mais ne pouvant plus aller au cinéma, je ne les ai malheureusement pas encore vus et ne peux donc les commenter. Cependant, j’attends avec impatience leur sortie en DVD/Bluray pour me rattraper car d’après les informations que j’ai pu glaner en me renseignant sur eux, je sais que je vais être sous le charme dans un cas comme dans l’autre, quoique pour des raisons différentes à chaque fois. Pour m’aider à patienter, j’ai néanmoins lu la nouvelle d’Alexeï Tolstoï dont est adapté Le Vourdalak, et je suis en train de dévorer Dracula et de redécouvrir la belle langue de Bram Stoker.
Si le Comte de Transylvanie occupe une place importante dans cet article car il reste à ce jour le vampire le plus célèbre, il m’a fallu limiter mes choix à un nombre de films raisonnable et malgré cela, vous venez de lire un long texte (merci, d’ailleurs, si vous êtes arrivés jusque-là !). Il existe une multitude de films de vampires de styles très différents et vous en trouverez certainement d’autres qui vous plairont. Par exemple, si vous aimez les vampires et souhaitez pousser plus loin vos explorations, je vous recommande également vivement de vous tourner vers Les Sermons de Minuit (Midnight Mass) si vous aimez les séries horrifiques à dimension philosophique et avez un abonnement Netflix ou vers l’émouvant et perturbant Let the Right One In (Tomas Alfredson, 2008) adapté du roman éponyme de John Ajvide Lindqvist. Envie de passer plus de temps avec Dracula ? Le Dernier voyage du Déméter (The Last Voyage of the Demeter, André Øvredal, 2023), qui se concentre sur les événements survenus sur le bateau qui transporte Dracula et ses caisses jusqu’en Angleterre en adaptant à l’écran le journal de bord du Capitaine présent dans le roman, pourrait vous plaire malgré une utilisation parfois exagérée des effets spéciaux en images de synthèse. Les plus aventureux d’entre vous pourront aussi partir à la recherche de Dracula au Pakistan (Zinda Laash, Khwaja Sarfraz, 1967), une curiosité cinématographique unique en son genre qui a marqué l’histoire de Lollywood puisqu’après lui, il fut interdit aux studios pakistanais de produire d’autres films de vampires tant il fut jugé scandaleux à sa sortie.
Si vous aimez les vampires, vous avez désormais de quoi faire pour la Nuit de Walpurgis (ou à tout autre moment de l’année) ! Le(s)quel(s) de ces films allez-vous regarder en cette nuit très spéciale ? Lesquels sont vos préférés ? Lesquels découvrez-vous grâce à cet article ? Lesquels recommanderiez-vous ? Aimeriez-vous un autre article avec de nouvelles recommandations vampiriques ? Dites-le-moi et je travaillerai sur un deuxième volet de recommandations pour Samhain !
(© Morrigann Moonshadow, le 30 avril 2025. Reproduction partielle ou totale strictement interdite.)